La Grande Afrique https://lagrandeafrique.com Mon, 20 Dec 2021 13:23:12 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.3.11 https://lagrandeafrique.com/wp-content/uploads/2017/11/cropped-logo-2-32x32.png La Grande Afrique https://lagrandeafrique.com 32 32 Elections au Cap Vert : un modèle démocratique solide et un début de mandat animé https://lagrandeafrique.com/elections-au-cap-vert-un-modele-democratique-solide-et-un-debut-de-mandat-anime/ https://lagrandeafrique.com/elections-au-cap-vert-un-modele-democratique-solide-et-un-debut-de-mandat-anime/#respond Mon, 20 Dec 2021 13:21:49 +0000 https://lagrandeafrique.com/?p=2512  

Le Cap-Vert présenté comme un îlot de stabilité démocratique au sein de l’Afrique de l’Ouest a élu le 17 Octobre 2021 Jose Maria Neves (61 ans) à la tête du pays au premier tour des élections présidentielles, avec un score de 51,7% des voix. Représentant du Parti Africain pour l’indépendance du Cap-Vert (PAICV), dont le parti est membre de l’internationale socialiste, Neves a précédemment été Premier Ministre de l’archipel lusophone pendant quinze ans entre 2001 et 2016.

 

Le partage des pouvoirs comme clé de la stabilité

Après l’indépendance obtenue du Portugal le 5 juillet 1975 grâce au militantisme du Parti Africain pour l’Indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert, ce dernier est resté le seul parti au pouvoir jusqu’en 1991, date où le multipartisme a été mis en place. Ce système a permis l’éclosion d’un parti libéral, le Mouvement pour la Démocratie (MpD) qui deviendra le principal adversaire du renommé Parti Africain pour l’Indépendance du Cap-Vert (PAICV) à la suite du coup d’État en Guinée Bissau.

Au Cap-Vert, les élections législatives qui permettent de constituer l’Assemblée nationale ont lieu tous les cinq ans, quelques mois avant les élections présidentielles. Le parlement qui ne contient qu’une chambre est chargé d’élire le Premier Ministre qui constitue ensuite son gouvernement. Ainsi, La constitution capverdienne fait la part belle au parlement limitant les pouvoirs du président.

 

Une cohabitation historique

Lors des élections législatives qui se sont déroulées le 18 avril 2021, six mois après les élections présidentielles, le MpD est arrivé en tête en s’octroyant 38 sièges sur les 72 que compte l’Assemblée. Le Premier Ministre sortant Ulisses Correia e Silva (MpD) a donc brigué un deuxième mandat de chef du gouvernement consécutif. Le Cap-Vert s’apprête à vivre la deuxième cohabitation de son histoire et la première avec le MpD majoritaire au parlement.

 

Le retour aux affaires et les premières prises de position 

A peine investi, José Maria Neves a été très rapidement sollicité puisque le Cap-Vert a accueilli à Sal la Conférence Économique Africaine de 2021 où les dirigeants du continent se sont penchés sur les moyens à mettre en place pour sortir de la crise du Covid-19. Lors de ce sommet, le Président nouvellement élu a notamment appelé à l’accès universel au vaccin et un allègement des dettes étatiques des États africains. Concernant le Cap-Vert, le parlement a également approuvé une proposition de loi permettant de faciliter l’obtention de la nationalité pour les descendants de capverdiens qui ont émigré sachant que la diaspora capverdienne à l’extérieur du pays représente plus de 700 000 personnes et les transferts d’argent vers le Cap-Vert équivalent à 12% du PIB. Ce sujet, cher au PAICV, permet de lancer ce mandat placé sous le signe de la cohabitation alors qu’à l’occasion de la journée internationale des migrants qui s’est tenue ce Samedi 11 décembre, la fédération des associations capverdiennes a organisé une table ronde et des débats autour de la diaspora et de l’engagement. Le nouveau président aura fort à faire au vu des principaux enjeux qui attendent le pays, notamment la concernant la rénovation du parc énergétique, la réduction des inégalités d’accès à au numérique et l’accès aux financements pour les entrepreneurs locaux. 

par Dayvis Dos Reis Borges

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Laurent Gbagbo : un retour au pays qui rime avec retour sur le devant de la scène politique ? https://lagrandeafrique.com/laurent-gbagbo-un-retour-au-pays-qui-rime-avec-retour-sur-le-devant-de-la-scene-politique/ https://lagrandeafrique.com/laurent-gbagbo-un-retour-au-pays-qui-rime-avec-retour-sur-le-devant-de-la-scene-politique/#respond Fri, 05 Nov 2021 17:30:21 +0000 https://lagrandeafrique.com/?p=2508  

L’ancien président a été autorisé à se rendre à nouveau sur le territoire ivoirien au printemps dernier. Acquitté par la Cour Pénale Internationale dans l’affaire des violences post-électorales de 2010-2011, il se fraye à nouveau un chemin au sein du paysage politique.

 

Après 10 années passées en détention à la Haye, il est revenu en Côte d’Ivoire le 17 juin dernier, accueilli par ses partisans. Laurent Gbagbo, ancien chef d’Etat du pays entre 2000 et 2011, avait été mis en cause pour crime contre l’humanité lors de la crise de 2010-2011 qui avait secoué cet Etat d’Afrique de l’Ouest. Il avait refusé de reconnaître sa défaite contre Alassane Ouattara à la présidentielle. Cette crise avait provoqué la mort d’au moins 3000 personnes et divisé le pays entre pro et anti-Gbagbo, ainsi que le long de l’axe Nord-Sud du territoire. L’homme politique a été définitivement acquitté par la Cour Pénale Internationale en mars 2021. Son retour ne plaît pas au Collectif des Victimes en Côte d’Ivoire (CVCI), qui avait souhaité son arrestation dès son entrée dans le pays. Son président, Issiaka Diaby, évoque les enquêtes encore en cours concernant des possibles implications criminelles de Gbagbo durant la crise de 2010-2011, toujours pas élucidées, notamment concernant des massacres dans les villages d’Anonkoua-Kouté et de Nahibly.  

 

L’actuel président et son ancien adversaire, Alassane Ouattara, l’avait accueilli au palais de la Présidence le 27 juillet dernier. Les deux hommes qui ne s’étaient plus rencontrés depuis un débat précédant le second tour de la présidentielle de novembre 2010, s’étaient serrés la main. Ils ont évoqué le sort de 110 prisonniers politiques de la crise post-électorale, le retour des exilés et la nécessité de l’apaisement des tensions politiques dans le pays. Cet événement  que le chef d’Etat voulait symbole de la réconciliation nationale, intervient dans un  contexte du renouvellement du troisième mandat d’Alassane Ouattara, critiqué par une partie de la population pour ne pas avoir respecté la Constitution. D’autres rencontres entre les deux hommes sont prévues dans les mois à venir. 

 

Laurent Gbagbo n’est pas revenu uniquement pour mener une retraite paisible à Abidjan. Le 17 octobre 2021, il fonde un nouveau parti, le Parti des peuples africains, après avoir quitté son parti historique, le Front Populaire Ivoirien. Il avait créé ce dernier en 1982 avec son ancienne épouse, Simone Gbagbo, lorsque le pays était encore dirigé par Félix Houphouët-Boigny. Dans un entretien accordé la semaine dernière à France 24, il évoque le projet panafricaniste de son parti, déclarant que « l’Afrique doit s’unir », à l’image d’Etats-Unis d’Afrique. Il ne cache pas non plus ses ambitions politiques jusqu’au plus haut niveau de l’Etat, avec en ligne de mire une participation aux élections présidentielles de 2025 qu’il n’exclut pas. Lors de son discours d’investiture comme président du Parti des peuples africains, il a scandé : « Je ferai de la politique jusqu’à ma mort », ce même s’il explique ne pas vouloir rester à la tête de son parti trop longtemps. Il serait également prêt à soutenir le candidat de son parti si celui-ci avait de réelles chances de gagner pour la prochaine présidentielle. Il s’oppose fermement à ce qui pourrait être son principal obstacle pour cette échéance : une proposition de loi visant à limiter l’âge des candidats, à moins de 75 ans. Laurent Gbagbo en a 75 aujourd’hui. « Je refuse que quelqu’un d’autre décide pour ma vie » déclare-t-il à France 24. 

 

Mais l’ancien président n’est toujours pas sorti des tourments judiciaires. Il est condamné par la justice ivoirienne à 20 ans de prison dans l’affaire des braquages de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest, dite du « casse de la BCEAO ». Accusé d’avoir fait ouvrir les coffres de la banque de cette institution régionale et d’avoir utilisé cet argent durant le conflit de 2011, il réfute cette condamnation. S’il est toujours un homme libre, il n’a pour l’instant pas bénéficié d’une amnistie. Les anti-Gbagbo souhaitent le voir purger cette peine. Cette condamnation l’avait empêché de se présenter aux élections à la présidence en 2020. Si le gouvernement insiste sur le besoin d’une réconciliation nationale dans un pays traversé par de fortes tensions politiques et sociales depuis la fin du parti unique, pas sûr que le retour de Laurent Gbagbo y contribue. En Côte-d’Ivoire, les évènements politiques donnent régulièrement lieu à des violences, comme lors de la présidentielle d’octobre 2020, où une centaine de personnes sont décédées. 

 

par LUNA PEREZ

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La stratégie de la Russie en Afrique https://lagrandeafrique.com/la-strategie-de-la-russie-en-afrique/ https://lagrandeafrique.com/la-strategie-de-la-russie-en-afrique/#respond Fri, 18 Jun 2021 13:56:00 +0000 https://lagrandeafrique.com/?p=2502  

La politique russe en Afrique : des indépendances à nos jours 

Un membre d’une société de sécurité privée russe, en charge de la protection rapprochée du président centrafricain Touadéra. (FLORENT VERGNES / AFP)

 

L’URSS en Afrique pendant la Guerre Froide

 La présence russe en Afrique remonte à la période post-1945. Staline ayant délibérément choisi de limiter les contacts de la diplomatie russe avec le continent, l’intérêt de l’URSS pour ce dernier ne s’était pas manifesté avant la fin de la Seconde Guerre mondiale.

C’est donc à la fin des années 1950 et le début des années 1960, que l’Union Soviétique opéra un réel rapprochement avec les pays du continent africain, d’abord sous Nikita Khrouchtchev (1958-1964) puis sous Léonid Brejnev (1964-1982). En soutenant les luttes émancipatrices africaines et en offrant une aide aux nouvelles nations libérées, l’URSS entendait exporter l’idéologie de son régime en Afrique afin d’étendre son influence, dans un contexte historique dominé par les logiques de la Guerre Froide (1947-1991). Les objectifs de l’Union Soviétique d’alors, s’axaient principalement autour d’un soutien politique et économique aux régimes luttant contre l’impérialisme américain et un appui militaire aux mouvement anticoloniaux et anti-apartheid. Aussi, n’ayant jamais fait part de quelconques ambitions colonisatrices sur le continent, l’Union Soviétique présentait alors son engagement dans le processus décolonial africain comme relevant des principes d’internationalisme et de solidarité.

Au temps des indépendances, le développement des relations bilatérales russo-africaines s’opérait tout d’abord sur le plan militaro-technique avec la livraison d’armes, la formation du personnel militaire ou encore la (ré)organisation des forces armées locales. À ce titre, la signature d’un contrat d’armement entre l’Égypte de Gamal Abdel Nasser et la Tchécoslovaquie en Juin 1955 – ayant notamment contribué à une intensification des tensions dans la région, et donc, à l’avènement de la crise de Suez l’année suivante – peut être considéré comme la première grande application de cette politique. Dix ans plus tard, le « Bloc de Casablanca » émergeait, comprenant les alliés africains de l’URSS : l’Algérie, le Ghana, la Guinée, le Mali, le Soudan, le Maroc et la Libye. Il est intéressant de noter qu’à l’instar de Nasser, un certain nombre de leaders nationalistes sur le continent consentait à recevoir l’aide soviétique et à soutenir les principes émancipateurs du communisme sans adhérer toutefois à l’idéologie soviétique. C’est ainsi que l’aide soviétique était aussi bien accordée aux acteurs explicitement pro-soviétiques qu’aux acteurs ne présentant que certains intérêts s’alignant avec ceux de l’URSS. Par exemple, lors de la sécession du Katanga en juillet 1960, soit près de deux semaines après l’indépendance du Congo, L’URSS accorda un soutien militaire au gouvernement de Patrice Lumumba – qui, par ailleurs, revendiquait une politique de non-alignement – tandis que l’Organisation des Nations Unies, et le bloc de l’Ouest, ne répondirent pas de manière suffisante aux demandes de soutien du Premier Ministre congolais face aux troupes katangaises, celles-ci épaulées par la Belgique. 

À la fin des années 1960, la stratégie soviétique pour le développement de son aire d’influence sur le continent évolua vers une plus grande importance accordée aux dimensions économiques et commerciales des relations russo-africaines. Cet approfondissement des relations prenait la forme d’un soutien économique direct par des prêts et crédits, la livraison de denrées alimentaires et de produits stratégiques, l’aide aux grands projets d’infrastructures ; ou indirecte, notamment par la formation d’experts civils africains. À ce titre, le journal Nezavisimaya Gazeta faisait état de près de 60 000 étudiants Africains accueillis en Union Soviétique avant 1991 [i]. La chute du bloc soviétique sonna le glas de la politique russe en Afrique. Le continent disparut de facto du champ de vision de la politique étrangère russe [ii]. Le nouveau gouvernement, trop préoccupé par la gestion des affaires domestiques au sortir de la crise, fut incapable de formuler une politique cohérente en Afrique. Le début des années 1990 marqua alors l’important retrait russe du continent. 

 

Le retour progressif de la Russie en Afrique

            Depuis les visites de Vladimir Poutine en Afrique du Sud et au Maroc en 2006, et de Dmitri Medvedev en Égypte, au Nigeria, en Angola et en Namibie en 2009, les échanges entre la Russie et le continent africain sont entrés dans une phase de constante progression. Le point culminant de ce retour russe en Afrique a été atteint en Octobre 2019, avec l’organisation du premier sommet Russie-Afrique à l’initiative du président Vladimir Poutine, à Sotchi. Cette nouvelle coopération russo-africaine a notamment permis au Kremlin de sécuriser l’accès à certaines ressources minérales et énergétiques pour les entreprises russes telles qu’Alrosa, Nornickel, Renova, Rusal. En échange la Russie pourvoit des services sécuritaires (contrats d’armement, coopération militaire), diplomatiques (soutien au conseil de sécurité de l’ONU) et technologiques (construction de centrales nucléaires) à ses partenaires sur le continent. Ainsi, selon les données du service des douanes russe, les échanges commerciaux entre la Russie et les pays d’Afrique ont presque triplé entre 2010 et 2017, passant de 5,1 à 14,8 milliards de dollars [iii].

 

Le renforcement du volet sécuritaire de la coopération russo-africaine 

         Il est possible d’observer à partir de 2017 un renforcement du volet sécuritaire de la coopération russo-africaine, s’appuyant non plus seulement sur la coopération militaro-technique mais également sur l’engagement d’entreprises militaires privées russes. En effet, depuis 2017, la Russie a signé des accords de coopération militaire avec une vingtaine de pays Africains, contre seulement sept conclus entre 2010 et 2017. Un grand nombre de ces accords prévoit le déploiement de conseillers militaires russes ayant pour objectif de renforcer les armées des États partenaires. Ces conseillers sont pour la plupart des employés de la société militaire privée Wagner, ou Wagner Group, de l’oligarque russe Evgueni Prigozhin. Dans une enquête vidéo publiée en avril 2021, le média Le Monde affirme que depuis 2012 des soldats engagés par le groupe Wagner ont été aperçus en Syrie, en Ukraine et en Libye. Ceux-ci auraient parfois opéré aux côtés de forces spéciales russes ; ils ne sont pourtant pas reconnus par le Kremlin. En janvier 2020, Vladimir Poutine qualifiait justement la présence accrue de mercenaires en Syrie de « très inquiétante ». Malgré les déclarations officielles, les opérations menées par le groupe Wagner semblent coïncider avec la défense des intérêts russes. C’est ainsi que les activités du groupe se sont multipliées en Afrique. Il y protège les sites d’exploitation russe pour des entreprises telles que Lobaye Invest ou Ferrum Mining, tout en assurant divers services de sécurité à certains dirigeants africains. C’est notamment le cas en République Centrafricaine, au Soudan et à Madagascar.

 

Rattraper son retard sur les occidentaux et la Chine

 Par ailleurs, le renforcement de l’engagement sécuritaire russe en Afrique s’accompagne d’une campagne d’influence médiatique visant à légitimer et promouvoir la présence russe dans les pays africains. À titre d’exemple, un dessin animé pour enfant assez particulier a été diffusé en RCA : la trame présente les centrafricains, dirigés par un Roi lion attaqué par une multitude de hyènes et faisant appel à son ami l’ours, provenant du Grand Nord, pour l’aider à se défendre et à faire régner l’ordre dans le pays [iv]. Ensuite, au delà de l’influence culturelle, afin d’obtenir le soutien des populations locales, la diplomatie russe met l’accent sur l’absence de passé colonial, l’aide historique de l’URSS dans la lutte indépendantiste africaine ainsi que sur l’absence de contrepartie politique à son soutien– en opposition aux puissances occidentales présentant plus de contraintes liées à la gouvernance et au respect des valeurs démocratiques. En somme, la nouvelle stratégie de la Russie en Afrique vise à permettre son installation progressive et durable sur un continent où les pays occidentaux ainsi que la Chine sont les acteurs prédominants. A l’échelle globale, elle servirait à l’élargissement de son influence perdue depuis la chute de l’URSS. Pour reprendre les mots prononcés par Dimitri Medvedev à la fin de sa tournée sur le continent en 2009 : « Désormais, notre devoir est de rattraper tout ce qui a été perdu » [v].

 

 

Le modus operandi nonconventionnel : un avantage compétitif pour la diplomatie Russe ?

Les stratégies bilatérales russes sur le continent africain reposent sur des modus operandi particuliers qui permettent à la Russie d’apporter un soutien économique mais surtout militaire aux États africains. Dans des pays comme le Soudan et la Centrafrique, où la consolidation du pouvoir étatique nécessite une stratégie de défense forte, le recours à la Russie se présente comme une option intéressante. En ce sens, l’expérience militaire russe, notamment par l’intermédiaire de groupes privés, fournit une aide appropriée à des gouvernements nécessitant un développement de leur appareil de défense.

La montée en puissance du Groupe Wagner  sur des terrains d’opérations cruciaux pour la géopolitique russe est aujourd’hui au cœur de la stratégie militaire et diplomatique du pays sur le continent africain. Opérant aux côtés des entreprises et diplomates russes, le groupe représente une pièce maîtresse du package d’aide offert à la République Centrafricaine et au Soudan. Le détail du mode d’organisation de ce groupe témoigne des largesses dont bénéficie la diplomatie russe dans des contextes sécuritaires poussant les États à recourir à une assistance militaire. Ainsi, le groupe est composé de combattants aguerris, ayant opéré auparavant en Syrie, en Ukraine ou encore sur le sol libyen. Au-delà de leur passé opérationnel, les officiers du groupe ont de l’expérience dans la formation de corps étrangers notamment au sein de l’armée syrienne où ils furent chargés du commandement de la division des « ISIS Hunters ». Cette force parallèle a, par ailleurs, été chargée de défendre les investissements russes en contexte sécuritaire tendu. C’est ainsi qu’à la suite d’un accord passé avec le gouvernement Assad en Syrie – octroyant à des entreprises russes des licences d’exploitation de sites d’hydrocarbures en cas de reconquête face à l’Etat Islamique – le groupe a assuré la sécurité des sites de productions russes aux alentours de Palmyre. C’est dans cette même logique que s’inscrit la présence de mercenaires appartenant au groupe Wagner, dans les sites de production de diamants à l’Est de la RCA suite aux accords signés avec le président centrafricain.

En ce qui concerne le respect des droits de l’Homme, ce mode opératoire permet aux soldats russes, ainsi qu’à leurs alliés, d’outrepasser les obligations internationales dans ce domaine. En RCA, l’arrivée des forces russes a eu l’effet d’un game-changer dans le pays, notamment depuis le retrait des forces d’opération françaises en 2016. Leur tactique de guerre non-conventionnelle a été essentielle aux forces gouvernementales afin de contrer l’avancée des milices rebelles lors de l’élection présidentielle de décembre 2020. Ils s’inscrivent aujourd’hui pleinement dans le plan de lutte contre-insurrectionnelle du président Touadéra. Par ailleurs, l’assassinat mystérieux d’un groupe de 3 journalistes russes venus enquêter sur la présence de mercenaires russes en Centrafrique, a révélé la nature trouble de ces alliances. Depuis 2018, la capacité opérationnelle russe dans le pays est telle que des réunions entre des cadres de la mission des Nations Unies pour la Stabilisation en République Centrafricaine (MINUSCA) et des officiers russes ont été rapportées afin de coordonner des opérations conjointes. Sur le champ de bataille, des exécutions sommaires répétées de civils et de combattants s’étant rendus ont été constatées. En mars 2021, la situation a suscité une déclaration officielle de la part de l’ONU révélant les préoccupations de l’organisme quant au recours croissant par le gouvernement centrafricain à des sociétés privées dans le cadre du conflit interne.

Ainsi, le décret présidentiel russe de septembre 2018, élevant au rang de « secret défense » les informations concernant les groupes collaborant avec les services secrets russes, a consolidé le recours de la Russie à de tels dispositifs paramilitaires. Celle-ci intègre aujourd’hui pleinement ces groupes privés à sa politique étrangère. Aussi, pour soutenir ses ambitions sur le continent en Afrique, la Russie n’hésite pas à faire usage de son pouvoir en tant que membre permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU. Ainsi, en 2018, la Russie a fait pression pour assouplir l’embargo sur les armes visant la Centrafrique depuis 2013. Cette décision lui a permis d’acheminer des armes aux forces soutenant le président Touadéra. Ainsi, l’alliance politique avec la Russie se révèle être une solution attirante pour des pouvoirs en proie à des conflits internes. Paradoxalement, les accords bilatéraux peuvent plaire à des gouvernements à tendance autoritaire, voulant s’affranchir de certaines contraintes posées par le droit international. De plus, la perception de la Russie comme acteur militaire sans passé historique colonisateur renforce la popularité d’une coopération avec ce pays auprès des opinions publiques africaines. À ce titre, au Mali, en octobre 2019, suite aux manifestations contre le Président Ibrahim Boubacar Keïta, des drapeaux et insignes appelant à mettre un terme à l’intervention militaire française au profit d’une coopération militaire avec la Russie, témoignent de l’effet domino que pourrait prendre la stratégie diplomatique russe dans les zones en conflit.

 

 

La politique russe en Centrafrique

 

Comment la Russie s’est-elle implantée en RCA ?

             C’est en juin 2017, à l’occasion du Forum économique de Saint-Pétersbourg que se sont renforcés les liens unissant la Russie et le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra. A cette occasion, ce dernier sollicita l’aide militaire et politique russe dans le but de faire face à l’actuelle crise sécuritaire opposant les forces gouvernementales centrafricaines à plusieurs groupes armés rebelles. Cette rencontre se traduira notamment par une levée de l’embargo sur les armes (résolution de l’ONU 2127) en 2017 ; et un premier envoie d’armes et de 170 instructeurs militaires [vi]. Faisant profit du récent retrait de la France – ancien partenaire préférentiel de la RCA en raison du passé colonial unissant les deux pays – la Russie s’est progressivement implantée dans le pays, à travers l’envoi de conseillers et instructeurs militaires opérant notamment au service du Groupe Wagner. De fait, la nomination officielle de Valery Zakharov, un ancien du renseignement russe et proche de Evgueni Prigozhin, à la tête de cette collaboration militaire, atteste de ce rapprochement. Les employés du Groupe Wagner s’occuperaient donc de la formation d’un certain nombre de soldats centrafricains, ainsi que de la garde rapprochée du président Touadéra [vii]. Naturellement, les services en sécurité privée russes présentent un coût économique pour la RCA : un accès sécurisé aux ressources du sol centrafricain accordé exclusivement à l’entreprise d’affiliation russe Lobaye Invest

 

Les conséquences de la présence russe sur le maintien de la paix

 En Mars 2021, des observateurs de l’ONU ont exprimé leur inquiétude quant à la présence de soldats employés par des sociétés militaires privées russes en République Centrafricaine [viii]. Ceux-ci auraient été impliqués dans plusieurs affaires d’abus et violations graves des droits de l’Homme et du droit humanitaire international sur le sol centrafricain. Parmi les allégations formulées figurent « des exécutions sommaires, la détention arbitraire de personnes, l’usage de la torture lors de séances d’interrogations, la disparition forcée de personnes civils, des attaques aveugles contre des installations civiles, la violation du droit à la santé, ainsi qu’un nombre accru d’attaques sur des acteurs de l’aide humanitaire » [ix]. Aussi, dans leur rapport, les experts onusiens ont soulevé les « rôles étroitement liés » des sociétés de sécurités privées Sewa Security Services, du Groupe Wagner et de l’entreprise d’extraction minière russe Lobaye Invest SARLY. De même, la « collaboration étroite » au combat entre les soldats privés russes, l’armée centrafricaine et les casques bleus de la MINUSCA indigne ces observateurs internationaux. De fait, ceux-ci affirment avoir constaté la présence de certains conseillers russes dans des bases de la MINUSCA [x]. Il est à noter que le premier tour des élections présidentielles tenue en Décembre dernier a grandement contribué à l’intensification du conflit interne au pays, menant à la création d’une coalition de faction rebelles en opposition au régime de Touadéra : la Coalition de Patriotes pour la République Centrafricaine (CPC). Cette dernière aurait conduit plusieurs attaques ciblant le gouvernement, entraînant la réponse des forces de sécurités russes. Dans un reportage du média VICE News datant du 9 Avril 2021, un citoyen ayant dû quitter son lieu de résidence afin de fuir les combats affirme ne pas accorder sa confiance aux Russes. Il avance que ceux-ci auraient tué des innocents dans la localité de Boali, au sud du pays. « À cause de cela, les populations ont peur lorsqu’elles entendent parler des Russes », ajoute-t-il. Ces observations soulèvent d’importantes interrogations quant aux questions de responsabilité et de légitimité de l’action militaire sur le sol centrafricain, surtout au regard des graves exactions supposément commises par les soldats privés russes. L’aide sécuritaire russe en RCA profite-t-elle vraiment aux centrafricains ?

 

Le dossier centrafricain, un tremplin pour une influence russe à l’échelle régionale ?

             Selon le chercheur à l’IFRI, Sergey Sukhankin, les ressources minières ne sont toutefois pas la principale motivation de l’investissement russe en RCA, ce dernier se ferait plutôt dans l’optique d’étendre l’influence du Kremlin dans la zone régionale Sahélienne. À ce titre, l’accord entre le président du Conseil de souveraineté du Soudan Abdel Fattah al-Burhan et Vladimir Poutine sur la création d’une base navale pour le ravitaillement en « armes, munitions et équipements » de la flotte russe au large du Soudan [xi], ainsi que les discussions entreprises avec le Tchad et les accords de coopération militaire avec le Mali, soutiennent grandement la thèse de Sukhankin. Il ajoute que la Russie n’a pas de stratégie africaine globale, mais plutôt une stratégie opportuniste visant à forcer son installation progressive sur certains pays du continent quand l’occasion se présente. À ce titre, « le retour de la Russie en Afrique […] apparaît comme une réaction [à la présence d’autres puissances] plutôt que comme la manifestation d’une stratégie globale tournée vers l’avenir ». Celle-ci doit toutefois être prise au sérieux par la communauté internationale, conclut-t-il.

 

 

[i] Arnaud Jouve, « Russie : quelle stratégie en Afrique Subsaharienne ? », RFI.fr, 21 Novembre 2020.

[ii] Sergey Sukhankin, « Sociétés militaires privées russes en Afrique subsaharienne : atouts, limites, conséquences » rapport de l’IFRI (Institut français des relations internationales), Russie.Nei.Visions, n°120, septembre 2020. 

[iii] « Tovarooborot mejdu Rossiej i stranami Afriki s 2010 goda vyros potchti v 3 raza » [Depuis 2010, les échanges commerciaux entre la Russie et les pays d’Afrique ont presque triplé], Tass, 30 mars 2019.

[iv] LionBear, Улыбаемся Машем « Un dessin animé qui raconte l’histoire du lion de la Centrafrique, de l’ours de la Russie et de leur amitié », Youtube

[v] Dmitri Medvedev, « Itogi poezdki po stranam Afriki (Egipet, Nigeria, Namibia, Angola) » [Bilan de la visite des pays d’Afrique (Égypte, Nigeria, Namibie, Angola)], http://blog.da-medvedev.ru, 25 juillet 2009.

[vi] cf. RFI.fr.

[vii] « L’armée fantôme de Poutine : enquête sur les mercenaires russes Wagner », enquête vidéo Le Monde, 4 avril 2021. 

[viii] “Central African Republic: Rights experts concerned over ‘Russian advisers’ and close contacts with UN peacekeepers”, UN News (news.un.org), 31 March 2021.

[ix] Idem.

[x] Idem.

[xi] « Le Soudan autorise la création d’une base navale russe en mer rouge », Franceinfo Afrique, 11 Décembre 2020. 

 

Autres sources :

–        Arnaud Dubien, « La Russie en Afrique, un retour en trompe-l’œil ? », Le Monde Diplomatique, janvier 2021 (lien : https://www.monde-diplomatique.fr/2021/01/DUBIEN/62663).

–        Poline Tchoubar, « La nouvelle stratégie russe en Afrique subsaharienne : nouveaux moyens et nouveaux acteurs », Fondation pour la Rechercher Stratégique,  11 octobre 2019 (lien web : https://www.frstrategie.org/publications/notes/nouvelle-strategie-russe-afrique-subsaharienne-nouveaux-moyens-nouveaux-acteurs-2019).

–        Keir Giles, « Russian Interests in Subsaharan Africa », Strategic Studies Institute, U.S. Army War College, Calisle, PA, July 2013.

 

Article rédigé par Jean-Michel BETRAN et Santiago HAFFNER.

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Et si on mettait l’Afrique en valeur ? l’Afrique présent sur Instagram https://lagrandeafrique.com/lafrique-present-sur-instagram/ https://lagrandeafrique.com/lafrique-present-sur-instagram/#respond Fri, 07 May 2021 10:02:28 +0000 https://lagrandeafrique.com/?p=2495 #1. NoWhiteSavior 

Bio:If you’re not uncomfortable, you’re not listening” (si tu ne te sens pas inconfortable, c’est que tu n’écoutes pas). 

NoWhiteSavior est une organisation de la société civile basée en Ouganda et qui a pour but de dénoncer les comportements de “sauveurs blancs” (white savior) perpétrés par de nombreux individus et organisations sur le continent Africain. Dans sa principale vocation, elle dénonce notamment les influenceurs occidentaux qui postent des photos et vidéos mettant en avant la narration d’un continent pauvre et miséreux (“poverty porn”). Par ailleurs, elle traite également des problématiques liées à la face cachée des adoptions transcontinentales, le volontourisme et les abus commis par les missionnaires chrétiens en Ouganda. L’organisation utilise Instagram comme outil mais son travail ne se limite pas au réseau social. Elle a également un site web que vous pouvez trouver ici, et mène diverses actions sur le terrain. 

 

#2. MoyoAfrika 

Bio:For us, By us” (pour nous, par nous)

MoyoAfrika se présente comme une communauté globale d’africains et de la diaspora  “pour nous, par nous”. Cette page met en avant la beauté et la diversité culturelle du continent Africain à travers des publications traitant le mode de vie ou lifestyle, la danse, la cuisine, les actualités et les réflexions politiques sur l’identité africaine. De plus, elle donne de la visibilité aux entrepreneurs, artistes et créateurs de contenus africains et de la diaspora. Plus qu’une simple page Instagram, MoyoAfrika tient également un site web que vous pouvez consulter ici, sur lequel sont régulièrement publiés des articles traitant d’histoire, de culture, de voyages et de l’actualité du continent. 

 

#3. lafrohemien

Bio: “The Afrohemian Nomad. Here and there, everywhere and nowhere” (la nomade afrohemienne. Ici et là-bas, partout et nulle part)

Photographe de profession, l’Ougandaise Sarah Waiswa parcourt le monde et capture de magnifiques clichés de femmes africaines en mettant en avant la beauté noire mais aussi de paysage. Au-delà de la photographie de voyage, sa démarche s’inscrit dans un esprit sociologique. Elle documente ses voyages afin de rendre compte d’une Afrique époustouflante, diverse et complexe à travers les figures de ces femmes. Vous pouvez retrouver ses photos sur son compte instagram et sur son site web African Women in Photography

 

By Remicard S.

Sources: 

Les comptes instagram : 

Crédit photo : Sitraka Rabary

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Comprendre la crise sécuritaire au Tigré https://lagrandeafrique.com/comprendre-la-crise-securitaire-au-tigre/ https://lagrandeafrique.com/comprendre-la-crise-securitaire-au-tigre/#respond Fri, 30 Apr 2021 11:07:52 +0000 https://lagrandeafrique.com/?p=2487 Le 4 Novembre dernier, des heurts dans l’Etat régional du Tigré au nord de l’Éthiopie ont marqué le début d’un conflit sanglant opposant les forces de l’Etat fédéral éthiopien et le Front de Libération du Peuple du Tigré (TPLF). Bien que n’ayant duré que quelques mois, le coup humanitaire de cette crise est déjà très lourd : des partis de l’opposition éthiopienne affirmaient que plus de 52 000 personnes avaient perdu la vie depuis Novembre, selon l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés plus de 950 000 autres ont fui les zones de combats et rejoint les camps de réfugiés à Shire, Mekelle, Afar et Addis Abeba tandis que 50 000 auraient rejoint des camps soudanais. Ces camps sont marqués par le manque d’aide de première nécessité, notamment en termes d’accès à l’eau portable, à la nourriture, à l’hébergement et aux soins. Le Premier Ministre Ethiopien Abiy Ahmed – titulaire du prix Nobel de la paix en 2019 pour son rôle important dans la pacification des relations avec l’Érythrée voisine – a récemment déclaré la fin des hostilités au Tigré. Toutefois le conflit continue en ce jour, les populations locales se trouvant de plus en plus affectées par les conséquences dévastatrices de cette guerre. Par ailleurs, de nombreux témoins ont relaté la présence de soldats érythréens au Tigré. Bien que le Premier Ministre Ethiopien ait récemment affirmé qu’un retrait de ces troupes était déjà prévu, cette ingérence Erythréenne inquiète la communauté internationale qui craint une résurgence des tensions régionales dans la Corne de l’Afrique, diminuant, de fait, les chances d’une résolution pacifique de cette crise. Le secrétaire d’Etat américain, Anthony Blinken, a notamment dénoncé lors d’une audition parlementaire le 10 Mars dernier des « actes de nettoyage ethnique » dans l’Ouest du Tigré et a évoqué la présence de forces Erythréennes qui « doivent partir »[1].

Quelles sont les origines de ce conflit ?

 En avril 2018, le Front Démocratique Révolutionnaire du Peuple Ethiopien (FDRPE), une coalition politique qui dirigeait le pays de manière autoritaire depuis plusieurs années, nomme Abiy Ahmed au poste de Premier Ministre du Gouvernement Fédéral Éthiopien. Il arrive alors au pouvoir après une crise socio-politique considérable ayant eu pour conséquence la démission de son prédécesseur Hailé Mariam Dessalegn. Immédiatement, Abiy Ahmed affiche sa volonté réformatrice : il opère notamment pour la libération de dissidents, la démocratisation de l’espace politique et la négociation d’accords de paix avec son homologue érythréen, le Président Isaias Afwerki. De fait, les accords signés entre ces deux pays ont mis fin à presque deux décennies d’hostilités depuis la fin de la guerre qui les avait opposé de 1998 à 2000. Celle-ci s’était déroulée en raison de disputes frontalières. Abiy Ahmed sera récompensé pour cet effort en obtenant le prix Nobel de la Paix en Décembre 2019. Le rapprochement entre les deux pays est vu d’un mauvais œil par le Front de Libération du Peuple Tigréen (FLPT) qui demeure hostile à L’Érythrée. Ce parti politique tigréen accuse Abiy Ahmed de vouloir marginaliser la minorité ethnique tigréenne des cercles du pouvoir fédéral. Celle-ci constitue en effet 6% de la population éthiopienne[2] ; mais constituait auparavant une importante force politique, notamment sous la présidence de Meles Zenawi, lui-même originaire du Tigré. Depuis le report des élections nationales devant se tenir en août 2020 en raison de la crise du COVID-19, le FLPT affiche ouvertement sa volonté d’autonomisation par rapport au pouvoir fédéral dont il estime que le mandat venait d’expirer. Ce désaccord politique profond entre les deux camps s’est intensifié jusqu’à la décision du Premier Ministre de lancer une opération d’intervention armée en région tigréenne. Pour le gouvernement éthiopien, l’offensive du 4 Novembre 2020 aurait donc été une réponse à une attaque menée la vieille par des forces tigréennes sur plusieurs bases militaires de l’armée fédérale au Tigré.  Le FLPT nie, pour sa part, avoir débuté les hostilités mais continue de combattre les forces gouvernementales sur de multiples fronts.

 

Quelles sont les conséquences à l’échelle régionale ?

Un « spillover » (ou débordement) des combats à l’échelle régionale

A la fin du mois de Novembre, le Président érythréen Isaias Afwerki aurait ordonné l’intervention de ses troupes au Tigré afin de soutenir l’effort du gouvernement fédéral éthiopien face aux forces rebelles du TPLF. Les gouvernements éthiopien et érythréen ont naturellement nié ces allégations ; qui, pour autant, demeurent « crédible » selon le Secrétaire d’Etat Américain Anthony Blinken. En effet, la profonde opposition au parti tigréen que présente le Président Afwerki n’est pas méconnue dans la région. En réponse à cette initiative, Le TPLF a tiré des missiles en direction du sol érythréen à plusieurs reprises dès fin Novembre[3]. Les confrontations opposant les forces fédérales – comprenant l’armée fédérale, les forces spéciales de police de l’Etat régional voisin d’Amhara, et des milices locales Amhara – soutenues par l’armée érythréenne, contre les forces régionales tigréennes du FLPT (ainsi que les forces spéciales de police de la région du Tigré et d’autres milices armées) ont eu des conséquences destructrices sur la Corne de l’Afrique. In fine, le débordement des combats impacte fortement les populations à l’échelle régionale.

 

La résurgence des tensions ethniques

Tout d’abord, une résurgence des tensions ethniques est à craindre. De nombreux leaders tigréens ont affirmé être « prêts à mourir » après qu’Abiy Ahmed ait posé un ultimatum les contraignant à rendre les armes. Des massacres visant les populations civiles Amhara ont été observés, comme le démontre le média France 24 dans un reportage datant du 23 Novembre 2020. Bien que des leaders Amhara y affirment ne pas prévoir d’attaquer la population tigréenne en représailles, l’enjeu ethnique demeure crucial. En effet, depuis plusieurs années les deux ethnies se disputent certaines terres. L’inquiétude est que ces leaders instrumentalisent d’avantage les fractures ethniques dans la région afin de mobiliser les populations civiles au profit de l’effort de guerre.

 

Un désastre humanitaire

Ensuite, comme il a été brièvement présenté plus haut, les combats dans la région tigréenne ont eu d’importantes conséquences sur le plan humanitaire. Selon les estimations de l’ONU, environ 600 000 personnes dépendaient déjà d’aides afin de pourvoir leurs besoins en eau et en nourriture au Tigré. De plus, près de 2 millions d’éthiopiens avait déjà quitté leurs terres avant le conflit, fuyant d’autres sources d’insécurité dans la région : des conflits ayant éclatés autre part ou des conditions climatiques défavorables tels que des sécheresses et inondations par exemple[4]. Depuis Novembre, plus de 950 000 éthiopiens se sont déplacés à l’intérieur du pays pour fuir les zones de combats ; plus de 50 000 auraient rejoint les camps de réfugiés au Soudan voisin. Ainsi ce conflit déborde au-delà des frontières de l’Etat régional du Tigré et affecte la région toute entière. Malheureusement, le Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires de l’ONU (OCHA) manque de moyens face à cette pression du nombre ; comme le remarquait son porte-parole Jens Laerke, en visioconférence depuis Genève en Janvier dernier : « Trois mois après le début du conflit au Tigré, dans le nord de l’Éthiopie, la réponse humanitaire reste très limitée et inadéquate »[5]. Il faut aussi noter que les agences onusiennes n’ont pas reçu à temps « les autorisations nécessaires pour déplacer le personnel nécessaire au Tigré ». Ce dernier point a été soulevé par un accord conclu entre l’ONU et Abiy Ahmed en Décembre dernier[6]. Celui-ci promettant, sous la pression de la communauté internationale, de garantir un meilleur accès à la région aux agences humanitaires de l’ONU et des Organisations Non Gouvernementales. Par ailleurs, des milliers d’enfants demeurent déscolarisés depuis le début du conflit. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estimait en Janvier que près de 80% des hôpitaux ne fonctionnaient plus.

 

La question des possibles crimes contre l’humanité

En Février 2021, l’ONG Amnesty International a publié un rapport d’enquête sur des massacres pouvant être considérés comme des crimes contre l’humanité, commis au Tigré à la fin du mois de Novembre. En effet, les enquêtes et témoignages étudiés par Amnesty ont permis de conclure que des centaines de personnes non-armées avaient été sommairement exécutées par des soldats tigréens dans la ville d’Axum, au nord de l’Etat. Des raids maison-à-maison ont été conduits. En plus de cela, des forces érythréennes et amhara se seraient déchaînées entraînant la mort de centaines de civils sur leurs routes. Un résident d’Axum âgé de 21 ans relate alors les faits : « J’ai vu beaucoup de personnes mortes dans la rue. Même la famille de mon oncle. Six membres de sa famille ont été tués. Tellement de personnes ont été tuées »[7]. Les massacres à Axum ne semblent malheureusement pas avoir été les seuls commis dans la région. Amnesty appelle donc à une enquête de l’ONU, afin de poursuivre en justice ceux suspectés d’avoir commis des crimes de guerre ou crimes contre l’humanité, conformément aux provisions contenues dans les articles 7 et 8 du Statut de Rome de 1998 établissant la Cours Pénale Internationale.

 

Où en est la situation actuellement ?

Malgré les dires du gouvernement éthiopien, il semblerait que les combats n’aient pas du tout cessé au Tigré. Les leaders de la rébellion tigréenne semblent avoir réussi à consolider leurs positions dans les espaces ruraux. Aussi, il est à noter qu’une partie considérable de la population tigréenne leur accorde son support et soutient le projet du TPLF visant à rendre autonome la région. La situation humanitaire continue de se dégrader tandis que le Premier Ministre Abiy Ahmed peine à accorder l’accès aux organisations humanitaires pour la distribution d’aide dans la zone de conflit. Ce dernier rejette l’éventualité de négocier avec les leaders tigréens qu’il présente comme étant des traîtres à la Nation. Cette approche critiquable remet en cause le réel engagement pour la paix d’un l’homme qui se présentait comme l’incarnation de la réconciliation régionale deux années auparavant. L’organisme européen International Crisis Group, spécialiste de la prévention et de l’analyse de conflits, a publié un rapport le 2 Avril 2021 dans lequel il avance que l’impasse actuelle au Tigré pourrait prendre la forme d’une lutte armée durable. Celle-ci poserait alors une menace majeure pour la stabilité de l’Éthiopie (deuxième leader Africain en nombre d’habitants, mais aussi siège de l’Union Africaine) et potentiellement pour la Corne de l’Afrique toute entière.

 

Infographie :

 

Références :

 

[1] « Éthiopie : le gouvernement dément tout  « nettoyage ethnique » au Tigré ». Le Figaro, 13 Mars 2021.

[2] Pierre Cochez, « Les six clés du développement éthiopien », La Croix, 28 Avril 2016.

[3] Aditi Bhandari et David Lewis, « The conflict in Ethiopia », Reuters, 18 Décembre 2020.

[4] Idem.

[5] « Éthiopie : la situation au Tigré est « dramatique » et des centaines de milliers de personnes sont dans le besoin (ONU) » ONU Info, 5 Février 2021.

[6] « Au Tigré, accord ONU-Éthiopie pour des missions conjointes d’évaluation humanitaire », Le Monde, avec AFP, 10 Décembre 2020.

[7] « Ethiopia : Eritrean troops’ massacre of hundreds of Axum civilians may amount to crime against humanity », Amnesty International, rapport du 26 Février 2021.

 

 

Article rédigé par Jean- Michel BETRAN

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Seule, accompagnée par un Dieu omniprésent https://lagrandeafrique.com/seule-accompagnee-par-un-dieu-omnipresent/ https://lagrandeafrique.com/seule-accompagnee-par-un-dieu-omnipresent/#respond Fri, 16 Apr 2021 10:32:16 +0000 https://lagrandeafrique.com/?p=2483 C’est tellement dur de croire à « ça va aller »
Quand tout autour de toi te dit le contraire
C’est dur d’imaginer et de toujours espérer
Quand tout semble ruiner ta vie entière
C’est dur de rester constamment positive
Quand rien ne va et tu ne sais pas quoi faire
C’est dur de ne pas être pensive
Quand tout se passe de travers
Tu ne sais plus où mettre la tête
A chaque décision à prendre, tu n’es pas prête
Tu demandes au temps encore un peu plus de temps
Pour qu’au fond tu arrives enfin à prendre une décision
Mais ce n’est pas le cas
Tes hypothèses ne sont pas encore assez
Cogiter sans fin devient un train de vie compliqué
Le temps avance mais tu n’as jamais fini de penser
Tu te dis que tu as beaucoup à analyser et à planifier
Que le courant de vie que tu mènes n’a point d’arrêt
Aucune de tes pensées mérite d’être classée
Tes journées s’enchaînent, sans action
Les heures passent, toujours en réflexion
Ton énergie, tu le dépenses en questionnement
Au final, tu n’as rien fait, la nuit tombant
Oui, chaque aide c’est comme une moquerie
Tu sais bien que personne ne sait ce que tu vis
Qu’ils disent quoi faire, comment agir
C’est comme une ironie pour les divertir
Au fond tu sais qu’aucune main te sera tendue
Que personne ne sera là comme tu l’aurais voulu
Maintenant, tu sais que seule à toi tu feras face
Seule toi à tes côtés, il faudrait que tu te surpasses
Alors regarde maintenant au fond de toi
Prends confiance en toi et arrête de trop penser
La vie t’attend bien que les autres ne soient pas là
Ne détourne pas ton regard, essaie juste d’avancer
La route est rude mais tu devrais t’y faire
Tu vas y arriver
Et à côté de toi se tient le Dieu de l’Univers
Il n’a pas promis une vie sans difficultés
Mais à chaque épreuve, il t’apportera la paix dans ces difficultés
Il te donnera des réponses à tes questions
Il t’aidera à poser les bonnes questions
Tu commenceras à croire en un avenir meilleur
Et ta foi sera la voie pour un pur bonheur
Tu verras que tu ne seras jamais seule
Car même face à toi-même, Il sera présent
Qu’avec ou sans battles
Il est OMNIPRÉSENT

 

By Sitraka RABARY alias Hope

 

 

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Journal LGA- mois de mars 2021 https://lagrandeafrique.com/journal-lga-mois-de-mars-2021/ https://lagrandeafrique.com/journal-lga-mois-de-mars-2021/#respond Sun, 11 Apr 2021 10:32:25 +0000 https://lagrandeafrique.com/?p=2479 Pour chaque fin du mois, les rédactrices en chef Rim AYOUCH et Sitraka RABARY avaient défini comme ambition d’éditer une version téléchargeable des articles publiés durant le mois.

Pour le mois de mars vous pouvez trouver cette version via le lien suivant :

Journal La Grande Afrique_Mars 2021

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Les enjeux derrière la sécurité militaire en Afrique https://lagrandeafrique.com/les-enjeux-derriere-la-securite-militaire-en-afrique/ https://lagrandeafrique.com/les-enjeux-derriere-la-securite-militaire-en-afrique/#respond Sun, 11 Apr 2021 10:27:33 +0000 https://lagrandeafrique.com/?p=2474

Source photo: France 24, 26/07/2010, article: l’Union Africaine décide de renforcer ses troupes en Somalie

En 2020, au Mali des manifestations populaires secouent Bamako réclamant le départ des militaires français. Sous fond de fake news et d’un sentiment généralisé d’impuissance alimenté par les nombreux revers subis par l’armée malienne dans le Nord du pays, le rejet de la présence française arrive comme un constat amer pour certains Etats africains au vu de leurs objectifs nationaux de défense. En quête d’autonomie au niveau sécuritaire, les gouvernements font face à une exigence croissante des populations face à l’ingérence étrangère. Analogue à la situation malienne, des manifestations au Congo-Kinshasa se sont multipliées pour dénoncer la présence militaire rwandaise à l’Est du Congo. Malgré cette volonté qui se fait de plus en plus pressante, la réussite des opérations de sécurisation dans les Etats africains repose encore bien souvent sur l’interventionnisme ou sur la formation militaire procurée par des puissances étrangères. Ironie du sort, le 11 décembre 2019, une partie des contestataires décriant la présence française au Mali signent et publient sur le site Maliweb une pétition revendiquant une intervention russe remplaçant les forces de l’opération Barkhane, révélatrice du réflexe politique internalisé incitant à recourir à l’aide extérieure pour gérer les affaires internes.

Depuis les années 2000 et le renforcement de l’Union Africaine comme organisme de gestion des affaires continentales, un changement de taille s’opère afin que l’UA s’empare des politiques de maintien de la paix dans la région. Cette autonomisation des questions de sécurité en Afrique s’effectue toujours en association avec l’ONU qui poursuit ses programmes de formation des forces militaires africaines. Dans un même temps, des voies de coopération militaire alternatives s’affirment sur le continent. Des forces russes assistent aujourd’hui le président centrafricain sur le volet sécuritaire et assurent la formation de son appareil militaire national. Par ailleurs, Israël s’impose depuis le début des années 90, comme un allié logistique et technique des gouvernements du continent. Au Cameroun, d’ex-généraux israéliens à la retraite donnent un nouveau souffle à leur carrière à travers la formation de brigades spécialisées dans le pays. Ces nouveaux acteurs opèrent en parallèle de l’action des organismes régionaux et contribuent à modifier la carte des enjeux sécuritaires sur le continent. Il convient dans ce contexte de se demander dans quelle mesure cette mutation institutionnelle de la tenue des opérations militaires en Afrique se soldera par une autonomie plus grande des moyens de défense des Etats africains.

Dans son numéro de cette semaine, le Média la Grande Afrique invite ses lecteurs à se questionner sur l’évolution des enjeux militaires sur le continent. A partir de la semaine prochaine, un article dédié à un enjeu sécuritaire sur le continent sera publié avec un focus particulier.

Les diverses facettes de l’interventionnisme militaire sur le continent

Dans la quête hégémonique de l’Etat pour le contrôle de son territoire, la coopération militaire a été un élément essentiel permettant de former les appareils militaires nationaux et de bénéficier de l’expertise technique et matérielle provenant de l’étranger. En Afrique francophone, cette dépendance des forces armées vis-à-vis de l’ex-puissance coloniale tire ses racines dans les programmes d’assistance militaire technique – dits AMT- signés au moment des indépendances avec les 18 Etats signataires des accords bilatéraux avec la France. Faute d’avoir mené à une consolidation et une autonomie des forces armées, l’interventionnisme s’est parfois soldé par l’intervention directe des militaires français sur le continent. Plus largement la participation étrangère à la sécurité en Afrique s’est imposée comme une pratique récurrente qui a renforcée la relation tant décriée de dépendance vis-à-vis des puissances étrangères. A ce jour, 5 programme onusiens de maintien de la paix sont en cours d’opération sur le continent sur un total de 14 programmes à l’échelle mondiale.

Le continent se caractérise donc par son recours historique aux forces étrangères pour la sécurisation de son espace national depuis les indépendances. En Angola, l’arrivée de 20.000 soldats cubains suite à l’indépendance vis-à-vis du Portugal a permis au MPLA socialiste de Dos Santos, aujourd’hui à la tête d’une majorité au Parlement angolais, de prendre le dessus sur les autres mouvements de libération engagés dans la lutte pour le pouvoir sur le pays. La situation sécuritaire en RDC voisine constitue un exemple saillant des différentes facettes de l’interventionnisme. L’interventionnisme américain, d’une part, reposant sur une peur grinçante quant à la possibilité d’un soutien militaire russe aux Etats récemment indépendants, conduisit le gouvernement Johnson à soutenir le coup d’Etat militaire de Mobutu contre le président Lumumba. D’autre part, le développement de l’influence rwandaise en dehors de ses frontières, suite à la guerre civile qui déplaça l’épicentre du conflit rwandais vers l’Est du Congo, rend compte d’un interventionnisme intra-africain où la sécurisation du territoire national est réalisée avec l’aide d’un Etat tiers. Jusqu’à aujourd’hui, la présence de militaires rwandais de l’autre côté du Lac Kivu est révélatrice des déficiences latentes de certains États africains pour faire face aux défis sécuritaires nationaux.

Les années 2000 ont marqué un tournant dans les modalités d’intervention des puissances étrangères : à l’intervention directe s’est substituée une aide essentiellement matérielle, logistique et informationnelle. A titre indicatif, le Commando américain pour l’Afrique est doté en 2018 d’un budget relativement limité de 238 millions de dollars. Cette présence est à contraster avec l’état d’esprit derrière les précédentes interventions américaines. L’Opération Restore Hope en Somalie avait vu débarquer sur les côtes somaliennes une armée de 20.000 marines dans le cadre d’un mandat onusien. Ainsi, en excluant le cas du conflit pluripartite en Libye et celui de l’opération Barkhane au Mali, les missions de paix de l’ONU composent l’essentiel de la présence extra-africaine dans les missions de sécurités officielles sur le continent. Cette présence a été progressivement substituée par des opérations émanant d’une coopération africaine. La plus importante d’entre elles, l’AMISOM concentre 20,674 troupes conjointes provenant d’Ouganda, du Kenya, d’Ethiopie, de Djibouti et du Burundi pour assurer la sécurité de la Somalie. Ambitieuse, cette mission créée par le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine est révélatrice d’une dynamique de coopération interafricaine accrue dans le domaine militaire, répliquée dans la région du Darfour et reprise par la CEDEAO dans la lutte anti-terroriste au Sahel.

 

Les dépenses de défense : un coût d’entrée extrêmement élevé

En 2019, les dépenses militaires des Etats africains atteignaient une valeur de 41,6 milliards de dollars courant, valeur qui a doublé depuis les années 2000. En moyenne les gouvernements réservent une part de leur budget aux dépenses militaires équivalant à 6,5 % du budget national. Cette part est comparable à la moyenne des dépenses militaires en Asie du Sud-Est, mais indiquent d’autant plus le coût , proportionnellement supérieur pour les économies africaines, des dépenses associées à la défense. Les coûts d’entrée indispensable à l’acquisition de matériels et d’armements pour se doter d’une armée opérationnelle supposent un effort difficilement soutenable de la part des pays africains. C’est dans cette logique que la priorité a été donnée à la formation des troupes nationales permettant d’externaliser les coûts de celle-ci dans le cadre de partenariat gagnant-gagnant.

Les défis sécuritaires importants auxquels font face des pays comme le Nigeria, l’Ethiopie et la RDC sont décuplés dès lors que la stabilité de la région dépend de la pacification de ces territoires. Une brève datée de 2014 publiée par la Banque mondiale plaçait cet argument dans son contexte «L’avenir de la RDC représente l’avenir de l’Afrique ». Au-delà de la symbolique, cet article rend compte de l’interdépendance accrue des enjeux sécuritaires en Afrique qui s’explique par la porosité des frontières et le pouvoir limité de l’État de pénétrer le territoire. Ainsi, l’instabilité générée par le génocide rwandais a plongé la RDC voisine dans une crise dont le pays paie encore les pots cassés ; les insurrections islamistes au Mali et au Nigéria ont rapidement débordé vers le Burkina Faso.

Dans un contexte de Covid de chute drastique des recettes de l’Etat qui pourrait bénéficier, à terme, aux mouvements insurrectionnels, il est légitime de s’intéresser à des approches alternatives de la coopération militaire. Un regard réaliste sur la question doit arriver à la conclusion que la maîtrise du territoire passe par le développement d’une armée, certes, formées et équipées adéquatement, mais également peu chère à entretenir.

 

 

La reprise en main de la question sécuritaire en Afrique : un enjeu économique central

Les nouvelles politiques de maintien de la paix en Afrique sont pensées à travers des forums internationaux au sein desquels les pays nordiques figurent comme d’actifs contributeurs. Les cabinets de recherche associés à ces forums fournissent des études extensives dont les résultats estiment que les nouvelles techniques d’opérations de maintien de la paix au XXIème siècle se développeront en Afrique. Le continent a un passif important de conflits dans les récentes années avec trois grandes zones d’instabilité : la zone sahélienne, les régions frontalières à l’Est du Congo et la corne de l’Afrique où les tensions ont été ravivées en 2020 avec le conflit au Tigrée. Les enjeux sécuritaires sur le continent se maintiendront comme sujet prioritaire dans l’agenda des chefs d’Etats africains pesant sur les dépenses budgétaires, et privant d’autres secteurs essentiels pour atteindre les objectifs économiques et sociaux fixés à l’échelon national.

 Des déclarations de guerre totale, comme celle déclenchée par Ahmed Abyi dans la région tigréenne, ou aux conflits à plus basse intensité tels que ceux qui ont éclatés en Centrafrique ou en Mozambique, nuisent sensiblement à l’activité économique par la destruction d’infrastructures, les restrictions de déplacement, et l’incertitude prégnante. Cela se traduit, entre autres, par une diminution sensible de l’investissement et de l’attractivité commerciale des pays ainsi que de la coopération économique inter-étatique. La CEDEAO a, par exemple, réorienté son mandat, initialement destiné à la coopération économique en Afrique de l’Ouest, vers le volet de la défense à des fins de coordination de la réponse militaire face aux mouvances d’insurrection opérant dans le Sahel.

 

Dans les prochains articles de cette série, nous vous proposons d’entrer dans le détail des défis sécuritaires sur le continent. La formalisation des interventions extérieures a conduit les États africains à faire appel à d’autres types d’acteurs. Le recours à des mercenaires et la paramilitarisation des conflits est un phénomène réel visible au Nigéria, en Centrafrique, ou en RDC. Des intérêts géopolitiques s’insèrent dans ces logiques militaires, modifiant les enjeux sur le continent. Il s’agit dans les prochains épisodes d’en analyser les causes et les objectifs : dans quelle mesure les armées africaines ont-elles gagné en autonomie ?

 

  • Loregerie, Paul. “Au Mali, le sentiment anti-français gagne du terrain”. 2020. Disponible sur: https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/01/10/au-mali-le-sentiment-anti-francais-gagne-du-terrain_6025466_3212.html
  • Coulomb, Fanny. « La production de défense dans les pays émergents : vers un renouveau? », Géoéconomie, vol. 57, no. 2, 2011, pp. 71-82.
  • Evrard, Camille. « Retour sur la construction des relations militaires franco-africaines », Relations internationales, vol. 165, no. 1, 2016, pp. 23-42. 
  • Hickendorff, Acko, THE EUROPEAN UNIONTRAINING MISSION INTHE CENTRAL AFRICANREPUBLIC: AN ASSESSMENT, SIPRI Background Paper, February 2018.

Article par Santiago Haffner

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Revolution Diaries  https://lagrandeafrique.com/revolution-diaries/ https://lagrandeafrique.com/revolution-diaries/#respond Fri, 02 Apr 2021 08:00:21 +0000 https://lagrandeafrique.com/?p=2462 26/02/2021 

It’s been a while since I wrote about the revolution. I guess I’ve been too busy living through it? with it? in it? I’m not sure what word to use. It’s within me and at the same time outside of me. I guess I find it funny when people, academics and such, try to grasp the revolution, encapsulate it into a theory, a concept, a process. 

They bottle it up, put it right on the shelf next to their smart people books and between their dead plants. That’s where the revolution looks the prettiest to them : up on their shelves, shelves so solidly built you get distracted by them and forget about the revolution. You get so caught up in trying to understand it, embody it, identify it, that you’re not able to recognize it when it is right in front of you. Isn’t that idiotic? It is to me! Maybe it’s my poet self speaking but I’m not sure the revolution can be caught in words and diagrams or scholarly approved articles. The revolution is versatile and flexible. It moves around and never stagnates, never gets tired, it is always on the run, never stops. You might not see it and you might not feel it for a while but you have to believe that it is still there, living inside someone else. There are as many revolutions as there are people in the world. Never forget that !

It has been a while since I wrote about the revolution because I have also grown tired of it. It consumes me, exhausts me and, frankly, sometimes it feels like it was glued to me by someone else. those are not my hands that decided to bathe in it, roll myself in its dirt and its pain. I never decided that. It was decided for me just like everything about who I am. Recently, it feels as if my story is written by those who have never met me. They snatch the pen off my fingers, rip a page and start writing with their clumsy hands, spitting and sweating everywhere, fueled by the hatred they have for those who look like me. Then, they sneak in the revolution, one I don’t know, one I’ve never met, they take the glue stick and smudge it with it, then, BAM, they violently stick in on the page. “That’s you!”, they say, but I can’t see myself. The revolution is falsified, strange and unfamiliar. It is more of a duty than an exchange. I give it everything I have and get nothing back in return. The pain is romanticized with violins playing and slow motion pictures rolling. The pain is never real for them, because it is my body and mind that go through it and those two, are not real to them either. 

It has been a while since I wrote about the revolution. It has been a while since I wrote about anything that hasn’t been scrutinized and graded by someone else. Sometimes, when I see how weak I get, I think the revolution deserves better than that, better than me. It sticks to my hairy brown skin but what if this skin is not worthy for the revolution’s attention. I get lost in these thoughts often but I like it. The revolution gives me the space to be who I am and reflect on it and maybe it doesn’t do that for anyone else. But being me today is still a fight that I have to keep up. It’s a fight to legitimize my presence and tell my story the way I think it should be told. 

 

08/03/2021

I saw a tweet the other day that made me think of what the revolution means to me vs what it means to other people vs what it really is. Of course, I’m not saying that the revolution is one thing or the other, it is a multilayered lasagna with different levels of emotional attachment, political concern and identity re-appropriation. But I thought the tweet was really interesting because of how it deconstructed what we thought was ‘honoring’ our ancestors. Whether we like it or not, the revolution is a continuity of what our grandparents started and what their grandparents fought for. Coming from a previous french colony, it feels like revolting is part of us, hence what I said in a previous entry about the revolution coming out of the womb with us. Anyways, I’m rambling. The tweet explained how when “we lift up academia and corporate aspirations as our ancestors” wildest dreams, we do their imagination a disservice. Our ancestors were working day in and day out, they were mistreated, discriminated, humiliated for being who they are ; so what they dreamed of, was not being part of the system that was destroying and enslaving them, their dream was rather leisure, self-care and pleasure. The tweet went on about how our ancestors probably dreamt about “smoking, having consensual sexual encounters”. “I bet they dreamt of a world where their families weren’t ripped apart and they were immersed in the community.” By acknowledging this, the revolution changes, doesn’t it? It’s not just about taking to the streets, yelling at the top of your lungs or demonstrating day and night. Taking time for myself when the world is giving me so many reasons not to, that’s a revolution! having my own garden, growing my own tomatoes and sharing it with others, watering my plant, being in love, eating freshly cut watermelon,  swimming in the mediterranean, laughing loudly, walking around my city while soaking in the hot summer sun, these are revolutions we lead every single day we are alive, and just like the tweet said “forget capitalism, forge community.” 

Tweet referenced above: https://twitter.com/churchcunt/status/1367072660002332672 

 

28/03/2021

The revolution is sometimes unrecognizable. When western media outlets take over the lead in circulating discourse about it, the revolution is not what you have known it to be. It has this whole romantic dimension bullshit and you suddenly understand that to the rest of the world, it’s like our revolutions are a performance coming with people in costumes playing the role of other people. We become the representation of what happened before us, not by our ancestors but by those who colonized and exploited us. Our revolutions are named by everyone but us, they become springs when they happen in the winter just to fit the mold that was built for us to fit in with no consideration to who we truly are. Our leaders become the napoleons, our feminists the simone de beauvoir. We are never ourselves because we live in the shadows of others. Our revolutions are a theatrical performance on a wooden stage, they are entertaining until they last too long and people get bored of reading about us so our deaths are silenced. Our revolutions are the hot topic of the week and get forgotten in a month. Our mispronounced names slip through the mouths of others until they don’t even know where we live anymore. Our revolutions matter until they don’t. 

 

By Mariam B.

 

 

Crédit photo : @tooharam

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Gbobètô: Faire du Déchet un levier de développement https://lagrandeafrique.com/gbobeto-faire-du-dechet-un-levier-de-developpement/ https://lagrandeafrique.com/gbobeto-faire-du-dechet-un-levier-de-developpement/#respond Fri, 26 Mar 2021 10:56:23 +0000 https://lagrandeafrique.com/?p=2445 Gbobètô est une association créée en octobre 2018 en France puis développée au Bénin, à Porto Novo, en mai 2019 par Naomi FAGLA MEDEGAN. Paola CHAPDELAINE est quant à elle une auto-entrepreneuse et artiste-auteure venue faire un reportage photo sur les activités de Gbobètô (qui signifie « ramasseur d’ordures »). Cette association se veut être une véritable entreprise sociale au service d’un développement urbain inclusif et durable au Bénin. Elle œuvre à faire du Déchet un levier de développement territorial en favorisant une économie circulaire créatrice d’emplois durables,  tout  en permettant  de rendre la ville plus propre et saine. 

J’ai eu la chance de pouvoir interviewer Naomi et Paola afin de mieux comprendre comment ce projet est né et comment l’association réussit à transformer le Déchet en ressource pour mieux vivre. 

 

Rim: Bonjour Naomi. Peux-tu m’expliquer comment t’es venue l’idée de créer Gbobètô , et pourquoi tu as choisi de créer cette association au Bénin et pas ailleurs? 

Naomi: Je suis métisse, de père franco-béninois et de mère française et après avoir grandi en France, je me suis rendue au Bénin lorsque j’avais seize ans et j’ai pu y observer la dégradation de l’environnement, ainsi que le manque d’emplois stables dans certaines régions. Cela m’a beaucoup impacté et a orienté mon choix d’éducation supérieure:  après mon baccalauréat, je me suis tournée vers le programme Europe-Afrique de Sciences Po (je faisais d’ailleurs partie de la première promotion de ce programme). J’ai ensuite choisi d’effectuer ma  troisième année d’échange au Ghana, à Accra. J’ai pu me rendre compte de nombreuses problématiques urbaines dans cette ville (problèmes dans la gestion des déchets,  dans le système et les infrastructures de transports…) 

Cela m’a donné envie d’intégrer  l’école d’urbanisme de Sciences Po et plus particulièrement le master “Governing the Large Metropolis” (GLM, au sein duquel j’ai pu me former  et me rendre compte de l’importance de la problématique des déchets. J’ai également compris que le Déchet pouvait être mis au service de populations locales pour qu’elles vivent mieux. J’ai obtenu mon diplôme en 2016,  avec déjà l’idée en tête de créer cette association. 

En effet, le “gbobètô”  offre un précieux service à la ville en évacuant les déchets des habitations et en revendant à divers acteurs économiques des matières valorisables. Les ramasseurs d’ordures créent donc de la valeur et de l’activité économique à partir d’un important défi urbain, dont les enjeux sont aussi bien environnementaux que sanitaires. Mais cette activité, en l’absence de revenus fixes, de protection sociale et d’équipements de travail et sanitaires appropriés reste très précaire. C’est toutes ces observations qui m’ont donné l’idée de créer Gbobètô.

Rim: Peux- tu expliquer à nos lecteurs les objectifs et le fonctionnement de l’association? 

Naomi: Notre principal objectif est de monter des filières pérennes et inclusives de valorisation des déchets à Porto Novo autour de trois axes : social, environnemental et économique. Ainsi, nous voulons stimuler l’économie locale autour des déchets, favoriser une économie circulaire et créer des emplois verts. Afin de remplir ces objectifs, nous avons créé plusieurs projets:

Les Recycleries. Ce sont des unités de tri professionnelles qui ont dans un premier temps pour objectif de créer les conditions matérielles et sanitaires adéquates pour permettre de pratiquer des activités de tri en toute sécurité sur des points de regroupement; et dans un second temps, d’appuyer la formalisation des acteurs qui pratiquaient le tri et la revente des matières recyclables dans la précarité afin de les transformer en opérateurs de tri professionnels. Le but c’est de créer le plus d’emplois verts possibles. Nous employons beaucoup de femmes et de personnes précaires. Nous avons également créé le Projet Énergie verte qui consiste à mettre en place une filière de valorisation des déchets organiques en combustible écologique. Avec ce projet, nous voulons également créer de nouvelles opportunités économiques sur le territoire en créant des emplois directs et indirects à chaque maillon de la chaîne de valeur (approvisionnement, production, distribution). Pour les distributaires, l’idée c’est que les femmes qui sont en situation précaire puissent devenir distributrices du produit une fois qu’il sera commercialisé. 

Le Comptoir du Plastique: ce projet vise à valoriser les déchets plastiques de type polyéthylène haute densité (PEHD) et polypropylène (PP). À l’heure actuelle, Gbobètô s’attache à développer une activité de transformation intermédiaire des déchets plastiques en broyat, par la suite revendu à des industriels africains ayant pris un engagement éthique vert. Nous souhaitons également développer une activité de valorisation finale où les déchets plastiques seront transformés en un produit fini pour le marché béninois, afin de créer plus d’emplois localement. Enfin, nous avons également mis en place l’Opération 2-en-1, qui est un programme de sensibilisation à la pollution causée par les déchets et de mise en place du tri sélectif dans les écoles primaires publiques.Tout au long de l’année scolaire, les écoliers sont invités à rapporter leurs déchets plastiques à l’école, au sein de locaux aménagés à cet effet. Gbobètô récupère régulièrement les déchets rapportés pour les réinsérer dans des filières de recyclage. L’ensemble des déchets plastiques récupérés par le Comptoir du Plastique est converti en subvention pour des projets socio-éducatifs au bénéfice des écoliers (financement de fournitures scolaires…)

Rim: Merci beaucoup Naomi. Paola, peux-tu nous parler de ton aventure à Gbobètô?

Paola: Je suis auto-entrepreneuse et artiste-auteure en freelance. Je suis allée à Porto Novo en novembre 2020,  afin de faire un reportage photo et de réaliser un court documentaire sur l’association afin d’améliorer la visibilité de ce projet et de lui donner des outils de communication esthétiques et visuels. Avec Naomi, nous nous connaissons car nous étions toutes les deux dans le même master  (GLM) et nous avons donc eu l’idée de collaborer et de créer un partenariat gagnant-gagnant  pour que l’association puisse bénéficier  du contenu créé sur place. J’ai ainsi passé beaucoup de temps auprès des équipes de Gbobètô pour observer ce qu’ils faisaient au quotidien pendant près d’un mois. Je voulais vraiment m’imprégner de la culture locale et du contexte de l’association afin de pouvoir comprendre et représenter au mieux la situation des équipes. J’ai ainsi réalisé un petit documentaire vidéo et une série de  photos. En interviewant les équipes et employés de l’association et en recueillant leurs témoignages, j’ai pu voir que c’était une fierté pour beaucoup d’entre eux d’être employé dans un secteur formel de l’économie au Bénin et qu’ils voient réellement beaucoup de valeur dans les activités qu’ils réalisent au quotidien. 

Dans le court documentaire que j’ai réalisé, qui met en avant les témoignages d’employés, de l’association, ces derniers expliquent que grâce à leur travail, ils ont un salaire décent comparé au niveau de vie local, ils peuvent subvenir aux besoins de leurs familles, et vivre de manière beaucoup plus sécurisée au quotidien. Pour comprendre l’importance de ces témoignages, il est crucial de savoir que dans le contexte où ils travaillent,  90% de l’emploi est informel et les gens gagnent  en moyenne 23 euros par tête (même si officiellement le salaire minimum est censé être de 60 euros). Ainsi, après m’être rendu sur place, je suis plus que jamais convaincue que la problématique des déchets est réellement l’opportunité de créer des emplois verts.  

Rim: Merci Paola. J’en profite pour mettre le lien vers le documentaire que tu as réalisé: https://www.youtube.com/watch?v=TjunM6v9PLY et  pour mettre en avant l’une des photos que tu as prise. 

Rim: Naomi, comment l’association a-t-elle été financée initialement et comment continue-t-elle de grossir? 

Naomi: Nous avons plusieurs partenaires: la Fondation Valorem  et Nicolat Hulot, la Fondation de France, la Fondation Yves Rocher, Génération Climat, la SDGS GN et la Fondation Gratitude.  Mais ces investissements, je les vois comme des coup de pouce au  démarrage, notre but c’est de pouvoir auto-alimenter chaque projet sur le moyen/long terme. 

Rim:  Peux-tu expliquer  ton rôle dans l’association au jour le jour? 

Naomi: Je suis directrice générale. Je me charge de la vision et du développement de l’association. Je m’occupe de l’administratif, de la communication, puis, pour chaque projet j’ai des équipes qui sont encadrées par un chargé de projet qui emploie des personnes de la communauté locale. 

Rim: Avez-vous des projets d’expansion pour l’association? 

Naomi: Nous avons des projets d’expansion au Sud du Bénin sur le moyen-long terme en lien avec le gouvernement béninois: un projet de modernisation de la gestion des déchets au sud du Bénin qui est porté par la société de gestion des déchets et de la salubrité du Grand Nokoué (SDGS-GN). Nous essayons également de valoriser la coopération Nord-Sud et Sud- Sud: nous venons de rejoindre le Conseil des Béninois de France, et nous voulons  pousser la diaspora béninoise diplômée en France à mettre leurs compétences aux services du Bénin. 

Paola: Je tiens également à préciser que Naomi vient d’obtenir le prestigieux premier prix : “Terre de femmes” par la Fondation Yves Rocher à l’occasion de la journée du droit des Femmes.

Naomi: C’est vrai, qu’il y a ainsi eu beaucoup d’attention de la part des  médias qui cherchent à me mettre en scène mais en mettant un peu trop de côté l’équipe , donc c’est important de les mettre en valeur. C’est pour cela que l’exposition photo  de Paola est extrêmement importante puisqu’elle met en lumière les différentes  équipes, les humains qui travaillent tous les jours à Gbobètô. 

Rim: Merci beaucoup à toutes les deux. J’en profite pour mettre le lien de cette exposition photo virtuelle qui vient de commencer:  https://www.framevr.io/paola-gbobeto ainsi que  le lien du site web de l’association: https://gbobeto.org/.

 

Rim Ayouch

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