Par Laura Léger.
Raconter l’Histoire générale de l’Afrique est un véritable défi requérant la décolonisation de l’Histoire pour révéler l’identité panafricaine.
Comment pouvons-nous réécrire l’Histoire oubliée d’un continent ? C’est cette interrogation soulevée par un mouvement intellectuel africain puis portée par la volonté politique qui a permis la création d’un projet unique sous l’égide de l’UNESCO. Entre 1964 et 1999, 230 historiens majoritairement africains se sont saisis du passé pour donner naissance aux 8 volumes de L’Histoire générale de l’Afrique. Mais cette ambition ne se limite pas seulement à la réparation d’une injustice historique. Une deuxième phase du projet, instaurée dès 2009, souligne l’importance de l’adaptation des ouvrages pour un enseignement commun aux nouvelles générations des pays de l’Union Africaine. Cette priorité éducative promeut une véritable culture continentale dans la perspective de diffuser une unité authentique des populations africaines.
Un Comité scientifique pour la rédaction de l’Histoire générale de l’Afrique (Source : UNESCO)
Trois millions d’années sans jugement partial, trois millions d’années sans idée reçue, trois millions d’années relatées formant un tout pour contribuer à l’histoire de l’humanité : c’est la mission de cet engagement culturel dans la redécouverte des fondements et des problématiques de l’Afrique.
L’africanisation de l’enseignement est alors un véritable challenge. Remettant en cause des théories euro-centrées ancrées dans notre société, elle donne un sens à l’héritage commun du continent car, comme l’a si bien dit l’immense historien burkinabè Joseph Ki-Zerbo, « l’Afrique a une histoire. L’Afrique, berceau de l’humanité, a enfanté l’histoire. C’est pourquoi chaque Africaine, chaque Africain doit être, ici et maintenant, une valeur ajoutée. Chaque génération a des pyramides à bâtir. » . Le désir d’une citoyenneté fière de ses origines créé une Histoire globale témoignant des similitudes des civilisations tout en incluant les multiples particularismes. L’Afrique serait alors la première région du monde à porter un tel projet, c’est-à-dire enseigner une histoire commune et promouvoir une mémoire culturelle collective pour un milliard d’individus.
Mettre au goût du jour la richesse d’un passé demande un travail de longue haleine et établir l’utilisation pédagogique de cette densité historique sollicite des aptitudes éducatives considérables. Mais ce passage à l’action didactique est nécessaire car « l’enseignement de l’histoire contribue à former les identités des peuples et à mieux comprendre non seulement la diversité culturelle mais aussi les valeurs et le patrimoine communs à l’Afrique » comme le souligne le communiqué de l’UNESCO de 2011. Dans cette perspective, le comité scientifique présidé par Elikia M’Bokolo et chargé de promouvoir l’utilisation de l’Histoire générale de l’Afrique a mis en lumière la nécessité d’un travail de réflexion autour de différents supports. Ainsi, la rédaction d’un glossaire aux terminologies décolonisées et la création d’atlas exposant la place de l’acteur africain dans le monde permettraient une meilleure appropriation de l’histoire complexe de l’Afrique. D’autre part, l’élaboration de manuels scolaires plus approfondis selon le niveau d’étude et l’organisation de supports matériels comme des jeux, des bandes dessinées ou des documentaires ont pour finalité de développer le sens critique et la curiosité des jeunes tout en affirmant la responsabilité d’un accompagnement dans la prise de conscience de cet héritage partagé.
Elikia M’Bokolo lors d’une réunion du Comité scientifique pour l’Histoire générale de l’Afrique (Source : UNESCO)
Toutefois, la mise en valeur de cette Histoire commune n’est pas seulement l’affaire d’historiens et d’experts. Une Coalition internationale des Artistes pour l’Histoire générale de l’Afrique s’est formée dès 2015 pour délivrer un message fraternel et secouer nos imaginaires. Différentes réflexions artistiques – regroupant musique, littérature ou encore arts-plastiques – mettent en valeur l’identité du continent à travers la richesse du patrimoine africain. Cette initiative permet aux jeunes d’avoir une accessibilité originale à leur histoire et dévoile d’autant plus cette volonté collective de promouvoir l’utilisation pédagogique de ce travail exceptionnel.
Le congolais Ray Lema, président de la Coalition internationale des Artistes pour l’Histoire générale de l’Afrique (Source : RFI Savoirs)
Ainsi, cette vision panafricaine de l’Histoire est à la fois un moyen d’exposer les racines d’un peuple unique par son évolution, et une volonté d’affirmer un sentiment de fierté pour mener les nouvelles générations vers la maîtrise des enjeux du continent et la construction d’une paix durable.
Pour en connaître davantage sur l’aventure africaine dès sa genèse, nous vous invitons vivement à feuilleter cette Histoire Générale de l’Afrique que vous trouverez gratuitement et en version pdf sur le site de l’UNESCO.