Par Maïlys D.
Un territoire de la République
Mayotte officiellement nommé “ Département de Mayotte”, est un ensemble d’îles situé dans l’ archipel des Comores qui correspond à la fois une région insulaire française et à un département de France d’outre-mer situé dans l’ océan indien.
C’est en 1841 que le Royaume de France achète Mayotte sous couvert de protection, cela se fait donc indépendamment de la Conférence de Berlin de 1885 au cours de laquelle les puissances européennes se partagent l’ Afrique. Pourtant, très rapidement Mayotte va être utilisé par la France comme une porte d’entrée pour son expansion dans la région en commençant par établir un protectorat en 1886 sur le reste de l’ archipel des Comores dont Mayotte fait partie.
Par deux référendums en 1974 puis en 1976, la France appelle la population de Mayotte à se prononcer: demeurer au sein de la République française ou devenir partie d’un nouvel Etat comorien. Les résultats officiels retenus vont à deux reprises en faveur de la France. Au cours du dernier référendum de 2009, la population mahoraise vote pour l’intégration de l’ archipel aux Départements et Régions d’Outre- Mer ( DROM) français, l’intégrant par la même occasion à l’ Union européenne.
Pourtant, de nombreux commentateurs favorables à l’indépendance de Mayotte ont dénoncé la manipulation du concept de libre détermination des peuples lors de ces trois référendums. Pour ces derniers, les processus successifs ont conduit à une annexion illégale d’une portion du territoire souverain de la République des Comores :”un ensemble géographique, identitaire, culturel et historique cohérent”.
Quelques chiffres
Situé à 8000 kilomètres de la métropole française et devenu en 2011 le 101 e département français, Mayotte est qualifié d’archipel des extrêmes en cumulant selon les domaines d’étude de l’ Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE) la première et la dernière place.
- Mayotte serait le département le plus pauvre de France
- L’archipel de Mayotte détient la plus forte densité de population de la France d’ outre-mer avec en 2017 une moyenne de 690 habitants par kilomètre carré.
- L’archipel a également le plus fort taux de fécondité de la population française avec près de cinq enfants par femme en moyenne.
- Mayotte serait le département français le plus dépourvu en termes de personnel médical avec 0, 18 médecins pour 1000 habitants (contre 2 pour 1000 habitants en Métropole).
- Néanmoins, le peuple mahorais détient l’heureux record d’héberger la doyenne des français Tava Colo, née en 1902 et aujourd’hui âgée de 117 ans.
Une pandémie mondiale qui met en exergue le paradoxe mahorais
Dans un article du 23 novembre 2018, le journal mahorais JDM publiait un article intitulé : “L’INSEE dessine le visage de Mayotte, riche parmi les pauvres et pauvre parmi les riches”. Dans celui-ci, les propos de Jamel Mekkaoui chef de service INSEE à Mayotte sont repris et résument l’ inégale répartition des bénéfices de la croissance économique entre la France métropolitaine et Mayotte.
En effet, en dépit de son surnom d’“l’île aux parfums” (du fait de la culture autrefois intense de fleurs telles que l’ ylang-ylang), Mayotte n’échappe pourtant pas à une réalité bien moins idyllique qu’en métropole. En matière de santé, Mamoudzou le chef-lieu est l’unique ville qui dispose d’un hôpital. Néanmoins, en tant que Centre Hospitalier, il constitue un maillage de quatre centres de soins et d’accouchement qui sont des annexes assurant les consultations généralistes.
Mayotte était le seul département ultramarin classé rouge sur la carte française de déconfinement et le seul département de France a ne pas avoir été déconfiné à la date du 11 mai 2020 sur recommandations du Comité scientifique. L’ Agence Régionale de Santé (ARS) a néanmoins constaté que la population mahoraise était de toute manière “ déconfinée de fait” depuis un certain temps.
Lors de la présentation de la deuxième phase du déconfinement, le Premier ministre Edouard Philippe a annoncé jeudi 28 mai que les départements de Mayotte et de la Guyane (qui était auparavant en vert) doivent faire l’ objet d’une vigilance particulière et passeront à l’ orange à compter du 2 juin. Le cas guyanais s’ explique par sa proximité avec le Brésil nouveau foyer épidémique. Pour ce qui est de Mayotte, plusieurs données expliquent de toute évidence la difficulté de la lutte contre la pandémie du covid- 19 dans l’archipel. On peut mentionner à cet égard la précarité des logements: 40% de la population mahoraise vit dans une construction en tôle, bois végétal ou en terre et plus de 56% des logements ne disposeraient pas d’un accès à l’eau courante ce qui rend difficile le respect des mesures d’hygiène.
De plus, Mayotte combat depuis plusieurs mois déjà l’épidémie de la dengue transmise à l’homme par les moustiques. Ainsi, le personnel médical est d’autant plus mobilisé et lutte contre les formes les plus sévères, souvent hémorragiques et mortelles. Depuis le début de l’ épidémie de dengue, on dénombrait le 6 mai 2020 3 684 cas de dengue confirmés et 340 hospitalisations parmi lesquelles des réanimations dont le matériel est tout aussi précieux dans la lutte contre le coronavirus. Le système de santé est donc durement impacté par ces deux épidémies simultanées.
Par ailleurs, comme dans de nombreuses autres régions du monde, une partie de la population mahoraise dit craindre moins le coronavirus que la faim. En effet, ce département qui compte 30% de chômeurs a le taux le plus élevé de France et le confinement aura des conséquences certaines en matière de perte de revenus.
Dans un article du 23 mai 2020, le journal Libération nous interpellait avec le titre provocateur suivant: “ Mayotte au temps du coronavirus, un département de la République?”. Au- delà du défi du mal logement, l’article dénonce les euphémismes employés par le langage politique notamment sur la question de la faim en outre-mer. Le 14 avril dernier, Annick Girardin, ministre des outre-mer avait déclaré lors de son audition par la mission d’information sur le coronavirus de l’ Assemblée nationale: “oui il y a à Mayotte, en Guyane et dans d’autres territoires d’outre-mer des problématiques de faim aujourd’hui”.
Dans cette tribune, le sociologue Smaïn Laacher et l’ historien Marc Knobel préfèrent parler de famine. Ils n’ hésitent pas non plus à déclarer à propos de Mayotte que: ” ce département ressemble étrangement à un espace colonial dans ses logiques territoriales, ses identités et l’ ensemble des effets sociaux liés produits par ce contexte d’ Empire… ou de ce qu’il en reste”. Parmi les principaux traits de cette gestion de demi- mesure: la non-généralisation de l’ accès à l’ eau courante, le fort taux de chômage et un taux d’illettrisme des jeunes mahorais de 75% que les élus de l’archipel expliquent par une absence notable d’infrastructures scolaires.
Les réalités locales permettent ainsi de comprendre pourquoi l’obligation de confinement est une illusion, la menace de toute sanction pécuniaire inefficace et inappropriée et les capacités aussi bien physiques que matérielles du corps médical limitées.
C’est donc à un véritable défi sanitaire et social que fait face cette région d’outre- mer.
La Guadeloupe : autre exemple du traitement différencié des outre-mers.
Il est indéniable que les épidémies et plus encore la pandémie du coronavirus mettent en exergue une précarité et des inégalités trop longtemps mises sous silence entre la France d’outre-mer et les départements métropolitains.
De la même manière, en Guadeloupe, la gestion du coronavirus a ravivé ces différences de traitement. Le journal Ouest France dénonçait la semaine dernière un réseau d’eau épileptique depuis plusieurs années, condamnant de fait les habitants à une double peine en pleine pandémie. Pour autant, la situation n’est visiblement pas meilleure à l’ hôpital et dans les établissements de santé où il arrive que l’on demande aux patients de venir avec leur eau. D’ailleurs, en mai 2018, le Ministère de la Transition écologique et solidaire, le Ministère des outre- mer et le Ministère de l’ action et des comptes publics avaienr réalisé un Audit sur l’eau potable en Guadeloupe. L’étude a conclu que “ La Guadeloupe a besoin de sortir de la crise systémique que connaît son service public de l’eau potable. Le coût humain et financier de cette crise est considérable :contrainte majeure quotidienne pour les guadeloupéens, risques pour la santé et la sécurité de la population, étranglement de l’économie de l’île, qu’il s’agisse de l’industrie, des PME ou du tourisme… L’image de la Guadeloupe n’en souffre pas fortement à ce jour, car la situation exacte de l’eau potable dans l’île n’est pas encore bien connue au-delà de ses rivages. Mais quelle image donnerait cette île si demain un contentieux était ouvert quant au non-respect de la législation européenne sur la distribution d’eau potable et quelle conséquence ce contentieux aurait-il sur la fréquentation touristique, pilier économique du département ?”.
C’est donc à la lumière de toutes ces considérations que la tribune universitaire du journal Libération s’est achevée. “ Détruire les îlots de misère, reconstruire l’habitat, transformer la ville, éduquer les enfants de la même manière qu’ils sont éduqués et instruits à Neuilly-sur-Seine, à égalité de traitement, de moyens, de volonté. N’est-ce pas cela, paraît-il, la République ?”
Le ras-le-bol du discours médiatique métropolitain sur Mayotte
Le traitement médiatique réservé à l’archipel mahorais a vivement été critiqué ces derniers temps. Nombre de mahorais ont élevé leurs voix, blessés et indignés de la manière dont cet ensemble de l’ océan indien est dépeint. Le hashtag “ MayotteLaMagnifique” révèle que loin d’ être un immense bidonville, l’île permet la réunion d’une faune et d’une flore extraordinaire.
Quelques tweets éloquents mettent en lumière cet autre versant de l’ île hippocampe ( du fait de sa forme vue du ciel): “ On sait que c’est la merde. On sait qu’on est le département le plus pauvre, le plus jeune avec le plus fort taux de chômage et l’une des densités de population les plus fortes de France. Mais Mayotte c’est aussi autre chose que les bidonvilles et le lagon bordel! #MayotteLaMagnifique”.
Pour clore cette année universitaire, la rédaction vous laisse donc avec quelques photos qu’elle a pu recueillir de la belle île aux fleurs.


Femme mahoraise en tenue traditionnelle lors de la grève générale de mars 2018 contre l’ insécurité.


_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
N’hésitez pas à nous contacter et à nous suivre sur nos réseaux sociaux, belle fin d’année universitaire à tous:
Instagram: instaspa_
Facebook du journal: La Grande Afrique
Facebook de l’ ASPAS: ASPA – Association Sciences Po pour l’ Afrique