Par Maïlys D.
De Chicago à Harvard: l’histoire d’une ascension
« Il y a encore tant de choses que j’ignore au sujet de l’Amérique, de la vie, et de ce que l’avenir nous réserve. Mais je sais qui je suis. Mon père, Fraser, m’a appris à travailler dur, à rire souvent et à tenir parole. Ma mère, Marian, à penser par moi-même et à faire entendre ma voix. Tous les deux ensemble, dans notre petit appartement du quartier du South Side de Chicago, ils m’ont aidée à saisir ce qui faisait la valeur de notre histoire, de mon histoire, et plus largement de l’histoire de notre pays. Même quand elle est loin d’être belle et parfaite. Même quand la réalité se rappelle à vous plus que vous ne l’auriez souhaité. Votre histoire vous appartient, et elle vous appartiendra toujours. À vous de vous en emparer » déclarait Michelle Obama dans son livre Devenir publié le 13 novembre 2018.
Aujourd’hui âgée de 56 ans, Michelle LaVaughn Robinson que l’on nomme Michelle Obama est avocate de profession. En épousant Barack Obama en 1992, elle devient lors de l’élection de son mari en janvier 2009 la Première dame des Etats- Unis mais aussi la première afro- américaine à détenir ce statut.
Michelle Obama a grandit à Chicago dans une famille modeste mais cela n’ a pas été un frein à son ascension sociale. En effet, après avoir été diplômée d’un bachelor en sociologie à l’université de Princeton, c’est à la faculté de droit d’ Harvard qu’elle obtient son diplôme de juriste en 1988. De là, c’est dans son milieu professionnel qu’elle fera la rencontre de Barack Obama dont elle sera maître de stage. En novembre 2008, le magazine 02138 destiné aux anciens étudiants d’ Harvard la classe neuvième des cent anciens élèves d’Harvard les plus influents. Son mari est alors classé premier.
Ses engagements aussi bien politiques qu’ associatifs n’ont pas commencé au moment où elle est devenue Première dame. Elle fut assistante du maire démocrate de Chicago Richard Michael Daley mais aussi Directrice générale d’une association ayant pour but d’encourager les jeunes à s’investir dans des initiatives citoyennes. On ne peut s’abstenir de mentionner ses fonctions qui suivront dans la ville de Chicago. En effet, dès 2002, elle commence à travailler pour l’hôpital de l’université de Chicago, comme Directrice générale des affaires communautaires. Quelques années plus tard, en mai 2005, Michelle Obama devient vice-présidente des affaires externes de l’université de médecine de Chicago.
“Devenir”: un documentaire prévisible
Le documentaire “ Devenir” sur Michelle Obama est arrivé sur Netflix le 6 mai 2020. Dans celui-ci, il s’ est agi de retracer l’histoire de l’ ex Première dame mais aussi de l’accompagner dans la tournée promotionnelle de son livre éponyme qui s’est vendu à plus de 10 millions d’exemplaires.Le PDG de la maison d’édition espère même en faire l’autobiographie la plus vendue de l’histoire.
Le contenu du documentaire était prévisible: devenir Michelle Obama c’est mettre en lumière une femme noire de famille modeste qui a réussi malgré le déterminisme social et qui fréquente aujourd’hui les plus hautes instances de pouvoir. Le documentaire est principalement composé de séquences de dédicaces de son livre, d’extraits d’émissions télévisées où elle a été invitée et de ses visites dans des groupes de parole de jeunes lycéens et étudiants.
“Comment avez vous réussi malgré l’invisibilité sociale de la communauté noire?” c’ est sans doute le fil conducteur de ce documentaire mais aussi la question que les jeunes qu’elle rencontre lui posent le plus.
Ainsi, lorsqu’une jeune fille lui demande comment elle a affronté invisibilité à laquelle la prédestine sa couleur de peau aux Etats- Unis elle répond: “Je ne me suis jamais sentie invisible, ma famille m’a toujours montré que je comptais. On ne peut pas se contenter d’ attendre l’ égalité pour être vus”. Elle ajoute que son parcours universitaire à Princeton lui a permis de démystifier ce monde auquel elle n’ avait jamais eu accès auparavant ainsi que la représentation qui en était faite.
Selon ses termes, ses camarades n’étaient pas si intelligents et “ il n’ y a rien [eu] de plus libérateur [pour elle] que d’étudier dans une université prestigieuse et de réaliser toutes les formes de discrimination positives qui y règnent: que ce soit l’héritage familial,le contexte familial, le statut social, le capital social ou encore le statut au sein même de l’université en tant que sportif. La plupart ne savent pas comment ils ont atterri là”.
Sa couleur de peau est inévitablement un des sujets central de la biographie et elle revient à ce titre sur les attentes et incertitudes qui pesaient sur elle en tant que personne noire.
Par exemple, lorsqu’elle fit la rencontre de Barack Obama juriste ,afro- américain et également diplômé d’ Harvard, elle dit avoir voulu lutter contre le stéréotype qui veut que les deux noirs d’Harvard du cabinet d’ avocats se mettraient forcément ensembles.
Plus intéressant encore, une fois élus à la tête du pays , Michelle Obama dit avoir eu conscience d’être une provocation par le simple fait d’occuper leurs fonctions: “comment certains pouvaient-ils être à l’aise avec le fait qu’une famille noire occupe ce qu’ils appellent leur Maison-Blanche?
L’ancienne Première dame évoque également l’ abstention électorale de la communauté afro américaine qu’elle a plusieurs fois pris pour un affront, un défaut de confiance voire une mise à l’épreuve de ses semblables pour lesquels un tel pouvoir interdit toute négligence.
Les critiques que l’on peut formuler
En dépit de la mise en valeur d’une personnalité charismatique et sympathique ,quelques critiques pourraient toutefois être formulées au documentaire.
D’abord, étant donné que le documentaire est intitulé “ Devenir” on pouvait légitimement s’attendre à ce que la biographie s’attarde sur le cheminement de Michelle Obama et plus particulièrement sur la façon dont elle a réussi à intégrer les prestigieuses universités de Princeton et Harvard.
Ensuite, le documentaire évoque peu son cadre familial et les personnes proches qui l’ont entourée, soutenue et motivée tout au long de sa carrière. Les intervenants semblent avoir été minutieusement choisis. Son agent de sécurité, sa styliste et son assistante ne révèlent rien d’autre que ce qui est déjà une évidence: c’est une femme qui a réussi.
Il semble donc que l’entourage aussi bien personnel que professionnel qu’a pu connaître Michelle Obama avant son statut de Première dame n’ a pas été pris en compte pour dépeindre son évolution. Ces filles par exemple ,qui font aujourd’ hui de grandes études, s’expriment moins de 5 min dans ce documentaire d’une heure trente sur la perception qu’elles ont du parcours de leur mère. Il en est de même pour la mère de Michelle Obama qui ne prend pas réellement la parole sur cette question.
Cela nous amène donc à un autre constat, “ Devenir “ est moins un documentaire qu’un film de tournée qui appose des séquences les unes après les autres. Ce montage montre bien la popularité de Michelle Obama mais peut se révéler très superficiel. En effet, la Première dame ne donne pas l’occasion de voir les discussions, rencontres et partages dans lesquels elle a pu être déstabilisée, challengée. Ces moments sont mentionnées rapidement avec des sujets récurrents comme le racisme et la xénophobie.
Par ailleurs, le documentaire montre la proximité qu’elle veille à maintenir avec la communauté afro- américaine mais aussi la communauté latino- américaine. Il aurait été tout aussi intéressant d’interroger des personnes blanches ayant voté pour le couple Obama afin de permettre une réflexion sur les espoirs d’une Amérique multiple.
La question survolée du documentaire: le racisme policier létal aux Etats- Unis
Cette biographie permet de révéler un peu plus la personnalité dynamique, drôle et pleine de répartie de Michel Obama, 44e Première dame des Etats- Unis et arrière petite fille d’un grand- mère née esclave.
Ce documentaire est donc un véritable éloge de l’ascenseur social américain, ce qui reste néanmoins paradoxal quand on sait que la couleur de peau n’est pas une question
anodine aux Etats- Unis et continue de coûter des vies comme l’a prouvée encore une fois la mort tragique de George Floyd le 25 mai 2020. Les chefs d’accusation retenus contre Derek Chauvin l’officier de police qui s’est agenouillé sur son sou pendant au moins sept minutes alors qu’il était menotté et allongé face contre terre, sont ceux de “meurtre au 3e degré soit un homicide involontaire”. Les images de cette méthode d’interpellation létale ont suscité l’émoi et l’indignation d’autant plus qu’elles concernent quasi systématiquement les personnes noires. Depuis cette date, manifestations et émeutes n’ont cessé dans les rues américaines qui scandent les derniers mots de George Floyd “ I can’t breath” soit “ je n’arrive plus à respirer”.
L’ Amérique n’est de toute évidence pas un pays où l’on respire librement aujourd’hui indépendamment de sa couleur de peau et c’est dommage que cette question n’ait pas été évoquée de façon explicite dans le documentaire de Michelle Obama qui décrit sa place dans l’Amérique d’aujourd’hui.
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