Covid 19 : quel impact économique pour les pays africains ?

Économiquement parlant, la gestion de la crise sanitaire est plus que disparate au niveau du continent africain. Bien qu’une large partie des pays soient déjà émergents, certains sont encore parmi ceux les plus pauvres au monde; et cette qualification influence de manière importante l’environnement économique durant cette période de pandémie. 

Un endettement accéléré

L’endettement du continent africain s’est considérablement accéléré au cours des dix dernières années. Le poids de la dette publique s’est aggravé, passant de 35 % du PIB africain à 60 % entre 2010 et 2018. Cette hausse a été particulièrement importante dans les pays exportateurs de matières premières, qui ont subi la chute des cours de 2014 à 2016, selon le directeur du Centre des études économiques d’Afrique (CSEA). L’endettement total du continent africain est actuellement estimé à 365 milliards de dollars. Très présente en Afrique depuis un peu plus d’une décennie, la Chine est  aujourd’hui le premier créancier du continent et détient 40 % de la dette africaine, soit entre 145 et 170 milliards de dollars. Parmi les principaux créanciers des pays africains, on trouve également le Fonds monétaire international  (FMI), la Banque Mondiale, le Club de Paris, mais également de nombreux créanciers privés (larges entreprises et fonds d’investissements).

La pandémie plongera l’Afrique sub-saharienne dans sa première récession en vingt-cinq ans selon la Banque mondiale.

Ainsi, fin mars, les ministres des Finances africains ont appelé à une annulation du paiement des intérêts des dettes afin de pouvoir utiliser leurs capacités budgétaires pour combattre les conséquences économiques de la crise du coronavirus. Conséquences qui risquent d’être particulièrement dramatiques sur un continent sur lequel la moitié de la population vit déjà avec moins de deux dollars par jour.  

Emmanuel Macron a récemment plaidé pour une annulation de la dette des 40 pays africains les plus pauvres. Pour l’instant, il n’a pas obtenu cette annulation mais un moratoire au niveau des créanciers bilatéraux (12 milliards de dollars) ainsi qu’auprès des pays prêteurs du Club de Paris et du G20 (8 milliards de dollars), ce qui représente un total de 20 milliard de dollars sur les 32 milliards de dollars que ces pays devaient rembourser cette année, les 12 milliards restants sont dus à la Banque Mondiale.

D’abord mise en avant par le président sénégalais, Macky Sall, puis par le président français, Emmanuel Macron et le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, la question d’une annulation de certaines dettes n’est d’ailleurs pas encore à l’ordre du jour. « La procédure actuelle permet un moratoire jusqu’au 31 décembre des échéances liées à la dette publique. Après une année de grâce, en 2021, ces paiements seront étalés sur trois ans, à partir de 2022 », affirme Odile Renaud-Basso, présidente de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. 

Des aides internationales à effets non mesurables

Dans la lutte contre la pandémie, la Banque mondiale a déployé 160 millions de dollars de soutien financier pour plus de cent pays afin de protéger les plus vulnérables. 

Au Cameroun, à part l’aide venant de la banque mondiale et celle du Fonds Monétaire Internationale, le gouvernement avait fait appel à la solidarité publique pour constituer un fonds d’urgence dans le combat contre le covid-19. Cependant, la manière dont ce fonds a été utilisé n’a pas été communiquée,  rendant ainsi sa traçabilité impossible par le grand public. Par ailleurs, les communiqués sont généraux et ne donnent aucun détail. Par exemple, 1,75 milliard de francs CFA ont été consacrés à « réhabiliter, rénover et agrandir » des blocs d’isolement de trois hôpitaux de Yaoundé et ne donne aucune visibilité des dépenses qui ont été réalisées. Le même cas peut-être vu à Madagascar puisque dans les 716 millions de dollars de dons et prêts alloués, les dépenses restent pour une grande partie intraçables. Récemment, plusieurs documents de détournement des fonds de lutte contre la pandémie ont été envoyés au bureau indépendant de lutte contre la corruption (BIANCO) bien que la présidence malagasy reste sur sa position en affirmant le bon usage de ces derniers. Ces questions de traçabilité et de transparence inquiètent la population qui se plaignent d’aides sociales quasi-inexistantes, ou du moins insuffisantes, malgré le montant important des aides perçues au niveau international. 

En effet, bien que ces aides existent, le niveau de vie se dégrade dans bon nombre de pays africains, et beaucoup se retrouvent sans emploi à cause de la fragilité économique du continent. Malgré le fait que le taux de contamination ne soit pas aussi élevé que dans les autres continents, la pandémie fait des massacres au niveau économique. La croissance que le continent avait si mal à construire se retrouve particulièrement dégradée par le coronavirus. 

Le déclin de croissance est affiché à – 3,3 % pour cette année et comme la Banque mondiale l’a dit, plus de 40 millions d’africains risquent de se trouver sous le seuil de pauvreté : entrant ainsi dans la catégorie de “l’extrême pauvreté”. Alors que cette dernière façonnait déjà leur environnement quotidien, le coronavirus la dégrade encore plus. Malgré le problème de la transparence des aides cité ci-dessus, d’autres pays arrivent à développer des aides sociales, et mettent en place de belles initiatives. Des distributions alimentaires peuvent en effet être retracées : vasty tsinjo, tosika fameno, vary mora, tsena mora et kaly mora à Madagascar, la distribution de denrées alimentaires au Sénégal pour près de 10 millions de personnes. 

Conclusion

Bien que ces difficultés se ressentent dans les trajectoires de ces pays africains, plusieurs initiatives africaines se sont démarquées au niveau mondial, le Bénin et Madagascar ont, par exemple, su proposer des remèdes contre le coronavirus. Nonobstant, les solutions proposées restent questionnées, mais les recherches de remèdes continuent. 

Par ailleurs,  parmi les trois pays au monde considérés comme ceux qui ont le mieux géré cette crise sanitaire, l’un d’entre eux est un pays africain : le Sénégal. Il se tient dans ce rang à côté de la Nouvelle-Zélande et du Danemark. Le directeur de la direction de gestion d’urgence sanitaire au niveau du Ministère de la Santé du Sénégal, Abdoulaye Bousso, affirme que ce classement est dû à leur sens de l’organisation et au respect des mesures gouvernementales par la population. 

En parallèle, des initiatives entrepreneuriales ont été répertoriées sur la quasi-totalité des pays du continent, en passant par la République du Congo, avec la conception de l’application Halte Covid via un modèle d’auto diagnostic jusqu’à des structures de plus en plus locales avec la création de robot distributeur de gel hydro-alcoolique par l’un des membres de l’équipe malagasy au First Global Challenge 2020. 

Rédigé par Rim AYOUCH & Sitraka RABARY

Références

  • Le monde, Cameroun : « L’Etat a géré dans le plus grand secret l’argent destiné à faire face au Covid-19 », en date du 24 Septembre 2020, disponible sur  

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/09/24/cameroun-l-etat-a-gere-dans-le-plus-grand-secret-l-argent-destine-a-faire-face-au-covid-19_6053454_3212.html 

  • La Banque Mondiale, COVID-19 (coronavirus) : l’action de la Banque mondiale en Afrique, en date du 15 Octobre 2020, disponible sur 

https://www.banquemondiale.org/fr/news/factsheet/2020/06/02/world-banks-response-to-covid-19-coronavirus-in-africa#:~:text=Depuis%20le%20d%C3%A9but%20de%20la,et%20de%20la%20relance%20%C3%A9conomique%2C 

  • RFi, L’Afrique aux prises avec la crise économique liée au Covid-19, en date du 11 Septembre 2020, disponible sur 

https://www.rfi.fr/fr/afrique/20200911-lafrique-prises-la-crise-%C3%A9conomique-li%C3%A9e-covid-19 

  • RFi, Madagascar: un rapport épingle de nombreux problèmes dans la gestion des fonds Covid-19, en date du 31 Octobre 2020, disponible sur 

https://www.rfi.fr/fr/afrique/20201030-madagascar-rapport-etude-corruption-problemes-fonds-covdi-coronavirus 

  • FORUM : ROPPA – PAFAO – JAFOWA, discussion n°9 “impacts de la crise covid-19 sur la sécurité alimentaire”- recueil des contributions, disponible sur 

https://www.alimenterre.org/system/files/inline-files/pafao-discu-9-contributions-covid-v3.pdf

  • RFi, Madagascar: un rapport épingle de nombreux problèmes dans la gestion des fonds Covid-19, en date du 30 Octobre 2020, disponible sur 

https://www.rfi.fr/fr/afrique/20201030-madagascar-rapport-etude-corruption-problemes-fonds-covdi-coronavirus 

  • Le Point, Dette africaine : que fera la Chine ?, en date du 20 Avril 2020, disponible sur 

https://www.lepoint.fr/afrique/dette-africaine-que-fera-la-chine-17-04-2020-2371840_3826.php 

  • Jeune Afrique, Dettes africaines : la cadence des moratoires s’accélère, en date du 10 Juin 2020, disponible sur 

https://www.jeuneafrique.com/998399/economie/dettes-africaines-la-cadence-des-moratoires-saccelere/ 

  • Sciences Po Alumni, HEC Paris Alumni, 2020, Manifeste pour le monde d’après, disponible sur

https://static1.squarespace.com/static/5c56d14cf4e5317cafc282cd/t/5ef5cdca5e1a355846152704/1593167319520/Dossier+de+pr%C3%A9sentation_Manifeste_Cercle+Orion.pdf 

  • Kool saina, un malgache de 17 ans crée un robot distributeur de gel désinfectant sans contact, en date du 21 Mai 2020, disponible sur 

https://www.koolsaina.com/video-ingenieur-malgache-cree-robot-distributeur-de-gel-desinfectant-sans-contact/ 

  • Connect News, Elwin Gomo : « Halte Covid est une solution africaine destinée à lutter contre la Covid 19 au Congo Brazzaville et dans plus de 11 pays en Afrique », en date du 18 Juin 2020, disponible sur 

http://connect-news.cg/interviews/item/592-elwin-gomo-halte-covid-est-une-solution-africaine-destinee-a-lutter-contre-la-covid-19-au-congo-brazzaville-et-dans-plus-de-11-pays-en-afrique.html 

  • Crédit photo : Niamey.com, Coronavirus: l’Afrique face à la pandémie le jeudi 18 juin, disponible sur  

http://news.aniamey.com/h/98330.html

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