De l’importance d’étudier l’histoire de l’Afrique

 

Par Ayrton Aubry.

Près de 10 ans après le discours de Dakar du 27 juillet 2007, force est de constater que les poncifs hégéliens sur l’Afrique n’ont pas perdu de terrain. S’il est moins question de dire ouvertement que « l’homme africain n’est pas entré dans l’histoire », préjugés et méconnaissance du continent continuent à très (trop) souvent formater les représentations du continent. Il n’est ainsi pas rare que les violences y soient considérées comme normales, ou que certaines situations économiques ne soient perçues que comme la suite logique d’une situation préexistante imaginée.

Pour nous, ces éléments sont le signe que les images exceptionnalistes du continent sont encore bien présentes. L’objet de La Grande Afrique est de faire évoluer ces récits, sur les plans politique, économique, culturel et historique. Par exemple, notre série Great African Empires s’inscrit dans cette dynamique : nous avons la naïveté de considérer que si Henri Guaino et Nicolas Sarkozy avaient eu une connaissance plus approfondie du royaume d’Aksoum ou de l’empire Songhay, le discours de Dakar aurait pris une forme différente.

Pour l’historien burkinabé Joseph Ki-Zerbo, « L’histoire dans tous les pays du monde remplit une fonction individuelle et collective, c’est la fonction de la mémoire, et je pense que cela vaut pour tous les peuples du monde. C’est une fonction qui sert à tisser le passé avec le présent, et en projection vers l’avenir […]. Cette historicité qui nous a été niée, c’est une sorte de mission que de la rétablir. C’est ce que nous appelons la conscience historique […], qui fait le lien entre les trois temps de l’histoire ».

L’histoire donne du sens. Elle fait référence au passé, bien sûr, mais aussi au présent et au futur. Ce qui nous semble important ici – et c’est le sens que nous donnons à la rubrique H&I – c’est que l’histoire est un moyen d’imaginer l’avenir. Etudier les grands empires africains et leurs relations avec le monde permet bien sûr de sortir d’une vision hégélienne du continent. Au-delà, l’histoire africaine permet de penser l’Afrique-monde au XXIème siècle.

En outre, apprendre l’histoire fournit un bouclier contre le présentisme. Qu’un empereur malien ait pu être l’homme le plus riche de l’histoire de l’humanité relativise une vision misérabiliste que l’on peut avoir du continent aujourd’hui. Qu’il ait existé un projet politique porté par certains dirigeants d’unifier l’Afrique sous un seul drapeau peut être une source d’inspiration pour les jeunesses panafricanistes.

Imaginer l’avenir donc. C’est un vaste projet, aux défis immenses. La génération des historiens de 1956 (Cheikh Anta Diop, Joseph Ki-Zerbo en particulier) avait déjà posé les jalons de cette entreprise. Leurs héritiers, Elikia M’bokolo en tête, ont vaillamment repris le flambeau, et forment encore aujourd’hui les nouveaux historiens de l’Afrique. Mais ce travail n’a de sens que s’il est relayé dans les grandes universités où se forment les élites africaines de demain. C’est le cas de Sciences Po.

Consciente des défis éducatifs majeurs auxquels le continent africain est actuellement confronté, l’ASPA organise son premier colloque, le samedi 28 avril 2018, autour du thème : « Penser ensemble l’éducation en Afrique : Une exigence pour l’avenir ». Ce premier colloque de l’ASPA a vocation à concentrer l’attention sur la question du devenir de l’éducation en Afrique, lequel doit désormais être perçu comme un bien public mondial : l’avenir de l’Humanité étant plus que jamais dépendant de celui de l’Afrique. Dans ces conditions, nous avons fait appel à des intervenants dont l’expertise et le parcours reflètent la diversité linguistique et culturelle du continent. Les travaux de ce colloque doivent pouvoir fournir des réponses concrètes aux défis de demain. Afin de découvrir notre programme, nos intervenants, et les moyens d’inscription, rendez-vous sur la page dédiée, sur notre site : https://aspasciencespo.fr/le-colloque/

 

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