Le hashtag #CongoIsBleeding: Que se passe t-il au Nord- Kivu?

Depuis quelques semaines, on assiste sur les réseaux sociaux à un regain du discours alarmant sur la situation actuelle en République démocratique du Congo. Le hashtag #CongoIsbleeding (le Congo saigne) est actuellement en tendance sur Twitter et Instagram. De même, de nombreuses publications, photos et vidéos circulent afin de mettre en lumière et dénoncer les exactions et plus généralement l’ensemble des violations des droits humains qui ont lieu actuellement dans la région du Nord Kivu à l’est du Congo.

Cette région est aujourd’hui encore le théâtre de nombreux conflits qui, semblent-ils, ne font pas écho dans les médias internationaux. Pourtant, c’est le conflit qui a fait le plus de morts depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Entre 1998 et 2007, les conflits dans la région auraient entraîné de façon directe ou indirecte plus de 5, 4 millions de morts selon une étude réalisée par l’ ONG International Committee. Plusieurs décennies avant, à l’ère ou le Congo était encore sous domination belge, dix millions de congolais ou plus seraient morts de l’ethnocide colonial belge. 

Dès lors, il convient de voir comment la lourde histoire du Congo a aujourd’hui encore des répercussions sur sa population et si oui, ou non, il y a un génocide en cours passé sous silence médiatique, comme on peut le lire sur les réseaux sociaux. 

 

Le hashtag #CongoIsBleeding 

La période inédite que nous traversons aujourd’hui conduit à un éveil des consciences sur toutes les sortes d’injustices dans le monde. Face à une jeunesse de plus en plus critique, les sujets inexplorés voire occultés par les médias sont mis à nu sur les différentes plateformes de partage en ligne. Le mouvement #BlackLivesMatter, emblématique de la première partie de l’année 2020 s’est exporté dans le monde entier, a secoué des milliers de personnes et mobilisé l’opinion publique. De même, de nouveaux combats ressurgissent comme celui du sort du peuple Ouïghours en Chine, la crise anglophone au Cameroun, les tensions électorales en Côte d’ Ivoire et en Guinée, ou encore le mouvement #EndSars au Nigéria. Pour ce qui est du Congo, le sujet n’est pas nouveau : atrocités, meurtres, viols,exactions en tous genres et témoignages sont relayés sur les réseaux sociaux….

Mais la complexité de la région du Nord kivu ne permet pas à tous de comprendre de façon simple ce qu’il se passe. 

 

Quelle est la situation actuelle au Congo?

 Le Nord- Kivu, zone actuelle des conflits est la région du Congo la plus riche en minerais, diamants, pétrole,uranium, cobalt et coltan. C’est aussi une région frontalière à l’ Ouganda, au Burundi et au Rwanda et deux raisons expliquent donc les tensions qui y ont lieu. D’abord, à la suite du génocide Rwandais de 1994, de nombreux génocidaires ont été chassés du pays vers le Kivu. Ce phénomène a conduit à la poursuite du conflit ethnique rwandais sur les terres congolaises. Ensuite, à ce même moment, des voix s’élevaient au Congo contre le Président Mobutu au pouvoir et les anciens génocidaires rwandais y ont vu le moyen de s’allier à une partie du peuple congolais. Enfin, le conflit dans la région fut renforcé par le fait que cette région du kivu, riche en ressources naturelles, fournit 80% du coltan du monde. Le coltan, qui sert à la fabrication de nombreux appareils électroniques comme les téléphones, les ordinateurs ou encore les voitures, est très prisé par les firmes internationales. Pour cette raison, l’ensemble des groupes armés ont vu dans ces ressources un moyen de financer leurs combats, et donc de continuer à exister. C’est à ce moment qu’est née l’expression “minerais de sang”. Les groupes armés de la région souhaitent chacun s’ accaparer les terres. 

Pour cela, ils terrorisent les populations locales, les agressent, les violent , les torturent, et incendient leurs maisons, ce qui les pousse à se déplacer et donc à abandonner leurs terres. Aujourd’hui, plus de 50 000 personnes qui vivaient dans la région du nord Kivu ont fui leurs maisons et se retrouvent sans domicile. Plus de la moitié sont des enfants qui se retrouvent souvent livrés à eux- mêmes. Une fois ces terres acquises, une partie des habitants des villages se voit réquisitionnée pour 1$ par jour ou moins afin de travailler dans les mines. 

Les méthodes de travail forcé ne sont pas sans rappeler celles pratiquées par  Léopold II lorsque le Congo était encore sous domination belge, et que des ressources telles que le caoutchouc étaient exploitées de manière intensive. 

 

Quelle est notre responsabilité dans ce conflit? 

La crise dans la région du kivu est une crise à la fois politique et ethnique. Dès lors, quelle serait la responsabilité de toute personne non impliquée directement dans le conflit? 

Comme dit précédemment, l’un des facteurs qui permet au conflit de survivre est la présence de ressources rares dans la région. Ces ressources servent à la fabrication d’équipements électroniques, fabriqués par des enseignes internationales et achetés par des consommateurs qui en ont les moyens. Ces consommateurs se situent pour la plupart dans les pays occidentaux et sont donc ceux qui nourrissent la demande. Or, la demande entraîne l’offre. Tout consommateur d’appareil électronique nourrit donc, même inconsciemment cette demande et donc le conflit dans le nord kivu.

De même, les firmes transnationales, bien que conscientes de la situation au Congo et des violations des droits humains dans le nord kivu ne se manifestent pas. 

 

Que faire?

En tant que consommateurs, le boycott total des appareils électroniques est impossible car le coltan est partout. La jeune génération, celle qui tweet et s’indigne sur les réseaux sociaux, a bien souvent le privilège de vivre dans un contexte qui le permet. Cette liberté d’expression en ligne peut aller de pair avec des actions concrètes telles que la réduction de ses achats ou de sa fréquence d’ achats. 

 

Un crime contre l’humanité? 

Pour l’heure, il est au moins certain que la situation pourrait être qualifiée de crime contre l’humanité, vu les attaques généralisées et systématiques exercées par les groupes armés de la région comme les meurtres, les viols et transferts forcés de populations. La qualification de crimes de guerre aurait aussi de fortes chances d’être retenue, compte tenu des infractions commises par les groupes armés comme la torture, l’appropriation de biens de façon arbitraire et l’enrôlement forcé dans l’armée. Enfin, pour ce qui est du crime de génocide, il se définit comme un ensemble d’actes commis dans l’intention de détruire un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Il faudrait donc prouver que les personnes qui ont été tuées et persécutées l’ont été  en raison de leur appartenance à un groupe particulier. 

La véritable difficulté reste que ces qualifications ne peuvent être données qu’ à l’issue d’un jugement. 

 

Rédigé par Maeïlys Sylia

 

Sources

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