La saison de l’ombre, paru en 2013 aux Éditions Grasset, fut, la même année, lauréat du prix Femina et du grand prix du roman métis.
A travers ce roman, l’écrivaine franco-camerounaise, Léonora Miano, approche sous un angle nouveau la question de la traite négrière, non pas en donnant la parole à ceux qui partent, mais bien à ceux qui restent.
Le récit se déroule au cœur de l’Afrique sub-saharienne, quelque part à l’intérieur des terres. Dans le clan Mulongo, dix jeunes garçons initiés et deux aînés disparaissent au cours d’un mystérieux incendie. Inexpliqués et inexplicables, l’incendie et la disparition des douze hommes sont considérés comme dangereux, de mauvaise augure pour la communauté puisque cela ne s’était jamais produit auparavant.
“Les morts sont constamment évoqués, au sein de cette communauté. Les vivants font l’objet de commérages incessants, de louanges quelquefois. Depuis le grand incendie, une nouvelle catégorie d’individus est apparue: celle de ceux qui ne sont ni vivants, ni morts. On ignore ce qu’ils sont devenus. On accepte de vivre sans le savoir.”
Les femmes dont on n’a pas revu les fils sont rapidement mises au ban de la communauté. On les éloigne pour essayer de se préserver du malheur qui les frappe. L’une d’entre elles, Eyabe, se lance dans une quête périlleuse afin de découvrir ce qu’il est advenu de son fils.
La saison de l’ombre traite d’une triste histoire que nous connaissons déjà hélas. Celle-ci nous est contée au travers d’une prose empreinte de mysticisme et de croyances. C’est un récit qui dit l’arrachement, la violence, l’impuissance. Miano conte la mémoire de la capture. Elle exhorte le lecteur à reconnaître le continent africain comme première victime de la traite négrière transatlantique. Ce récit qui accorde une place toute particulière à ceux qui ont perdu des êtres chers tente de répondre à la question: que s’est-il passé à cette époque?
La saison de l’ombre offre une perspective unique et nécessaire sur les effets dévastateurs de la traite négrière sur le continent africain. Le roman n’épargne surtout pas une élite ayant participé à ce commerce meurtrier dont les conséquences, qu’elle ne pouvait sans doute pas imaginer, se font toujours sentir après plusieurs siècles.
Miano fait preuve d’une grande justesse lorsqu’elle écrit “La nuit est devenue plus qu’un moment. Elle est la durée, l’espace, la coloration des ères à venir”. Toutefois, l’histoire du continent africain ne s’est pas achevée avec la traite négrière et la colonisation, il comporte de nombreux chapitres qu’il reste encore à écrire. C’est sur un clan Mulongo qui ne perd jamais l’espoir d’un renouveau que le récit s’achève ; “Sachons accueillir le jour lorsqu’il se présente. La nuit aussi.”
Rédigé par Rémicard SEREME
source: www.nils-édition.fr