Les Ateliers de la Pensée

Connaissez-vous les ateliers de la pensée ? L’économiste sénégalais Felwine Sarr et l’historien camerounais Achille Mbembe ont lancé ce rendez-vous d’artistes et d’intellectuels il y a un an, à

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Par Ayrton Aubry.

Connaissez-vous les ateliers de la pensée ? L’économiste sénégalais Felwine Sarr et l’historien camerounais Achille Mbembe ont lancé ce rendez-vous d’artistes et d’intellectuels il y a un an, à Dakar. La deuxième édition qui s’est tenue du 1er au 4 novembre 2017, a réuni une cinquantaine d’intervenants de renommée internationale, sur le thème « Condition planétaire et politique du vivant ».

L’esprit qui anime les ateliers de la pensée est très présent dans Afrotopia, de Felwine Sarr, et Politique de l’inimitié, d’Achille Mbembe. Ces travaux promeuvent une « décolonisation mentale », dans la filiation d’auteurs comme Ngugi wa Thiong’o, ou Kwasi Wiredu, à partir du constat selon lequel les relations entre l’Afrique et l’Occident sont encore marquées par la domination. La nouvelle génération de chercheurs présente aux ateliers, entièrement mondialisée, élabore ainsi des concepts originaux pour s’approprier les réalités africaines, et les inscrire dans un monde global (« afrotopia » par exemple, mais aussi « afroféminisme » etc.).

Dès 2016, plusieurs personnalités engagées dans le renouvellement de la pensée africaine avaient été invitées, parmi lesquelles Souleymane Bachir Diagne, Kwame Anthony Appiah, Ali Benmakhlouf, Jean-Godefroy Bidima, etc. L’Afrique francophone est donc majoritairement représentée, mais le reste de la production intellectuelle n’est pas délaissé pour autant, sur des discussions dans la plupart des domaines des sciences humaines et sociales.

Le thème de la seconde édition confirme l’idée « d’Afrique monde », en intégrant la problématique des conséquences de l’homme sur l’environnement (l’anthropocène), et en considérant sur les relations des êtres vivants entre eux. L’aspect global et mondial de l’Afrique est renforcé par les mots d’ouverture d’Achille Mbembe pour cette seconde édition, tirés d’Aimé Césaire : « Dans quelle mesure l’Afrique pourrait-elle être le sujet de son propre parcours, être sa force propre ? Que dit l’Afrique d’elle-même, sur ce qu’elle veut, ce qu’est son projet, si tant est qu’elle en ait un ? Quand nous disons l’Afrique, nous parlons aussi de ses doubles, ses multiples diasporas, et presque par définition le monde en général. Toutes les régions du monde sont mondiales à leur façon, mais parmi toutes ces régions, l’Afrique a un accent particulier : elle est la seule qui ne se précipite pas pour imposer à tous ses propres préjugés. C’est une base absolument importante ».

Les ateliers de la pensée revendiquent une continuité avec les congrès et événements culturels panafricains du XXème siècle, pour renforcer l’imaginaire du continent aujourd’hui. Dans une certaine mesure, une filiation avec les Césaire, Fanon, Glissant etc. se dessine, pour reprendre la circulation des idées telle qu’elle existait alors. Cela n’empêche pas à ces initiatives d’être novatrices, et initiatrices d’un changement. Pour Achille Mbembe, les idées doivent avoir un poids sur les transformations des pratiques sociales.

L’Afrique connaît en outre une grande effervescence intellectuelle et artistique, dont les multiples scènes et événements de l’été 2017 à Paris ont été une des manifestations. Un des enjeux des ateliers de la pensée est en conséquence le développement d’une politique culturelle sur le continent, pour que les artistes africains ne soient pas seulement des produits d’exportation. Cela doit, selon certains, passer par un retour à la tradition. Mbembe et Sarr, dans Ecrire l’Afrique Monde (les actes des ateliers de la pensée de 2016), considèrent que « l’Afrique est héritière du patrimoine mondial parce qu’elle en est coproductrice ».

Au-delà du renouvellement de la pensée africaine, quelques thèmes animent plus généralement le courant, pour ce qui concerne, la décolonisation des savoirs, « l’élargissement de l’universel », pour intégrer l’Afrique dans le monde, et surtout cesser de considérer l’Afrique comme un monde à part. Cela passe par la déconstruction des concepts occidentaux, comme l’explique Séverine Kodjo-Grandvaux à partir des travaux de Kwasi Wiredu : sans être totalement rejetés, les concepts occidentaux doivent être interrogés pour que leur pertinence dans un contexte africain soit évaluée. Cela passe par l’émergence d’une épistémè africaine, et un travail philosophique de fond, qu’engagent les ateliers de la pensée, mais qui ne date pas de 2016. Là encore, ce qui est central, c’est l’articulation entre les concepts occidentaux et les concepts africains (avec le travail de Jean-Godefroy Bidima vis-à-vis de l’école de Francfort par exemple), pour former une philosophie originale, qui peut à un moment venir interroger les philosophies occidentales.

Les Ateliers de la pensée s’inscrivent également dans un mouvement intellectuel plus global, qui consiste à décloisonner les disciplines de sciences humaines (ou scientifiques plus largement) et les objets étudiés, en prenant en compte les relations entre les sciences et les régions. Par exemple, il s’agit de faire appel à des philosophies africaines ou d’ailleurs, longtemps éclipsées par les héritages grecs et romains, pour penser les problématiques du monde contemporain. En un sens, cela peut rejoindre le débat en France autour de « l’histoire mondiale », qui se cristallise aujourd’hui autour de l’ouvrage dirigé par Patrick Boucheron Histoire mondiale de la France (où Alain Mabanckou, figure importante des ateliers de la pensée, a participé).

De manière générale, les ateliers de la pensée répondent à une attente, celle de créer (ou du moins rendre visible) une scène intellectuelle et artistique soucieuse des questions africaines, réunis autour de l’idée centrale selon laquelle les solutions aux problèmes du continent doivent venir du continent lui-même, et ne doivent pas lui être imposées de l’extérieur.

Plusieurs mouvements donc, sont au centre des ateliers de la pensée, portés par la volonté de faire de l’Afrique son propre centre de référence. La diaspora joue ici un rôle central, car elle offre un regard global aux questions contemporaines. Ces questions planétaires sont d’ailleurs l’objet de la deuxième édition des ateliers de la pensée. Elle leur permet aussi d’être visibles partout dans le monde, et leur fournit une caisse de résonnance.

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