Du Franc CFA à une monnaie unique en Afrique de l’Ouest? Enjeux et perspectives.

Par Maïlys D. , traduit en anglais par Nana BRUCE-AMANQUAH

🇬🇧 (Moving From The CFA Franc To A Common Currency In West Africa: Challenges And Opportunities)

Rebecca Enonchong, Lionel Zinsou et Kako Nubukpo, pamphlet réalisé par le pôle Communication de l’ASPA.

Lundi 14 octobre 2019, en partenariat avec le Conseil Présidentiel pour l’Afrique,  l’Association de Sciences Po pour l’Afrique (ASPA) a tenu sa conférence inaugurale sur le sujet vibrant du Franc CFA.

Au-delà de déchainer les passions entre économistes, ce sujet revêt aussi d’une connotation symbolique plus de soixante ans après les indépendances africaines. 

Cette conférence fut l’occasion pour trois intervenants d’apporter leur point de vue sur la question: l’entrepreneure camerounaise Rebecca Enonchong, Kako Nubukpo économiste, chercheur et ancien ministre togolais de la Prospective et de l’ évaluation des Politiques Publiques et enfin Lionel Zinsou, économiste et ancien Premier ministre du Bénin.

Après un exposé des arguments en faveur et à l’encontre de cette monnaie,  des questions vives du public ont été formulées. Parmi celles qui revenaient le plus: Le Franc CFA est-il une monnaie qui a aidé les africains? En quoi l’ Eco serait-il une véritable alternative au CFA?

 

Quelles différences entre le Franc CFA et l’ Eco?

Le Franc CFA, officiellement Communauté financière africaine est le nom de deux monnaies communes héritées de la colonisation française et utilisées par 14 pays d’Afrique constituant en partie la zone franc. Le Franc CFA dont il fut question concerne les huit Etats membres de l’Union Economique Et Monétaire Ouest- Africaine (UEMOA): le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée- Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo. 

L’ Eco, quant à lui, est un projet de monnaie unique pour la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) datant des années 1960. Plusieurs fois reporté, ce projet a pour ambition de fusionner les deux zones monétaires utilisatrices des deux francs afin de donner à la région une monnaie commune et stable. Un autre argument est la facilitation des échanges entre les différents pays dans cette zone économique qui reste très peu intégrée. De plus, le régime de change serait flexible par rapport aux monnaies internationales et donc évoluerait en fonction du marché. 

 

Position de Lionel Zinsou sur le sujet

“Le Franc CFA ne doit pas servir à faire le procès du sous- développement africain”. 

Lionel Zinsou a eu une prise de parole affirmée sur le sujet. Il a soutenu que le Franc CFA ne devait pas être le tremplin pour faire le procès du sous-développement et a d’ailleurs souligné que la lutte contre le sous- développement n’était pas une question monétaire mais une question économique. De là, il suggère des politiques économiques réelles pour l’Afrique, et ce, en s’attaquant notamment à la trop faible levée de l’impôt en Afrique.

Position de Rebecca Enonchong sur le sujet

ll faut en finir avec le mythe du mécénat du Franc CFA.

Rebecca Enonchong parle quant à elle avec des termes plus concrets, de quoi accrocher les membres du public les moins avertis sur la question. Première question incisive: comment peut-on déposer les réserves d’une monnaie africaine à la Banque de France? A son sens, il faut en finir avec le mythe du mécénat : “les pays Africains qui continuent à utiliser le Franc CFA n’ont dans les faits pas besoin d’une expertise venue de France”. 

Plus encore, l’argument de la stabilité de cette monnaie grâce à sa parité avec l’ euro ne convainc pas Madame Enonchong. Elle attaque d’ailleurs les bons sentiments français qui soutiennent que les pays qui utilisent le CFA auront le choix de s’en défaire. L’importance des mots ne lui échappe pas. Pour elle, quand les dirigeants français ne cessent de dire ” on est ouverts”, il faut comprendre “ on va vous écouter, on va vous consulter, on va calmer vos ardeurs mais la décision finale ne vous reviendra pas”.

Position de Monsieur Kako Nubukpo sur le sujet

Le Franc CFA: “l’assurance tout risque donnée par la France aux chefs d’Etats africains contre leur mauvaise gouvernance”. 

Kako Nubukpo a défendu une position assez similaire à celle de l’entrepreneure. Néanmoins, en plus d’une responsabilité purement française, il a invité à réfléchir à la responsabilité des dirigeants africains. L’économiste déclare que  “entre les institutions et les performances, il y a les incitations”. Pour lui, le Franc CFA est assurément l’assurance tout risque [de rester au pouvoir] donnée par la France aux dirigeants africains contre leur mauvaise gouvernance. D’ ailleurs, il avertit que  l’arrivée de l’ Eco à l’horizon 2020 ne serait là que pour masquer un transfert de leadership de Paris à Abuja au Nigéria. 

Les bases ayant été posées, les interventions ont semblé unanimes: une ferme opposition à l’encontre du Franc CFA. Une des questions largement applaudie mais pas moins virulente fut celle adressée à Monsieur Zinsou: “ Pourquoi vous n’avez pas la rage [contre cette monnaie]?”, question rapidement complétée par celle d’une intervenante : “Monsieur Zinsou, quand vous parlez de l’ Eco j’ai des doutes. On dirait De Gaulle et son fameux Je vous ai compris. L’ Eco n’est-il pas un leur?”.

C’est sur cette question à laquelle aucune réponse unanime n’a été apportée que la conférence s’est terminée, de quoi rester sceptique face à l’arrivée de l’ Eco prévue pour l’année 2020.

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